Mon plus jeune fils est allergique à l’écriture. Dès
qu’une pulsion d’écrire tiraille les deux neurones qui me reste, il se
réveille. Si je n’écris pas, je peux me lever durant un mois à des heures
matinales sans qu’il réagisse. Si une violente envie me saisit l’arrière train,
oui j’ai tendance à réfléchir avec ce qui me sert de fondement intellectuel,
une éruption spontanée de boutons recouvre son corps. Ils sont aussi nombreux
que les poils d’un ours polaire. Evidemment une démangeaison accompagne
l’éruption et le pauvre se réveille en appelant sa mère qui s’empresse de se
nicher contre lui ; il y a longtemps que j’ai été éjecté du lit conjugal. Dès
qu’une pulsion de ne plus écrire déconnecte les derniers neurones, les boutons
disparaissent aussi vite que mes érections de quinquagénaire.
Que faire ?
Nous avons consulté les plus grands spécialistes qui
n’ont rien de grand à part leur portefeuille qui se gonfle à chaque
consultation. D’après leur immense savoir inaccessible au commun des mortels,
notre fils souffrirait de troubles associatifs calligraphiques
obsessionnels compulsifs et d’une
névrose post-partum issue d’une fusion avec la couveuse qui a tenté de nous le
ravir. Nous avons détruit la couveuse et recouvert notre bien. Depuis cette
action violente, sa mère le couve au sens littéral du terme. Toutes les nuits
elle s’allonge sur lui afin qu’il ne prenne pas froid. Je l’ai même surprise en
train de lui donner la becquet pendant que je lui ramenais des vers de terre.
Les consultations n’ont eu aucune conséquence sur
l’allergie de notre enfant, par contre mon compte en banque est devenu aussi
plat que l’altruisme chez les financiers. Après une errance dans le monde de la pédopsychiatrie
nous avons changé notre fusil d’épaule en vérifiant bien qu’il n’était pas chargé.
Nous avons donc consulté dans le 18ème
arrondissement de Paris un marabout que nous avait conseillé une grande tante
par alliance. Après avoir sacrifié une poule, trois mouches tsé-tsé et un
politicien véreux, nous eûmes enfin un diagnostic accompagné d’un espoir de
guérison :
La réaction de mon fils est sa façon de communiquer.
Ne possédant pas le langage, et le langage n’est pas prêt de le posséder, il
est obligé d’user de moyens complexes pour nous transmettre ses sensations et
ses analyses.
D’après le marabout, mon fils considère que j’écris
aussi bien qu’une patate douce et qu’afin de préserver mon équilibre psychique,
il préfèrerait que je cesse avant qu’une personne me crache la vérité en pleine
gueule.
Depuis ce jour, j’ai une indigestion due à l’ingestion
du sacrifice. Le politicien m’est resté sur l’estomac.
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