une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







lundi 29 avril 2019

Intronisation


Je suis fier. J’ai été intronisé dans le monde des petits vieux. J’ai passé les tests avec succès. J’ai eu une mention très bien à l’oral et à l’écrit. J’ai mon diplôme affiché dans la chambre face à moi lorsque je suis couché.
Malheureusement ne devient pas vieux qui veut. Il y a un rituel de passage qui demande un don de soi au Dieu Géras. Pas grand-chose, juste un petit bout d’organe ou l’organe tout entier, tout dépend de sa mansuétude. Géras était dans un bon jour, il ne m’a pas demandé grand-chose. Des personnes âgées meurent à un âge avancé sans avoir eu la possibilité d’être vieilles. Elles sont fautives, elles ont refusé de faire un don. Quelle horreur ! Mourir à 90 ans sans être vieux. Ont-elles droit à la carte sénior plus ? Ont-elles droit au minimum vieillesse ? ont-elles droit aux places assises dans le métro … ? J’espère que non.
Le rite de passage est légèrement cruel. Mais pas plus cruel que les rituels d’intégration chez les étudiants lors de leur entrée en première année. Le bizutage, dans certaines écoles, est encore plus barbare. Tandis que le rituel de passage chez les vieux est pratiqué sous anesthésie ou péridurale. Et en plus, lors de la sortie de la maison de soins, une impression 3D de votre organe vous est gracieusement donné, l’originale étant offert à notre Dieu bien aimé.



Le rituel de passage ne se passe pas aussi bien que prévu. Des effets secondaires voire tertiaires se produisent au grand étonnement du personnel médical. D’accord, je n’ai pas d’éruption de cratères nés de pustules, ni des morceaux de membres qui tombent comme les feuilles mortes des livres lors d’un autodafé et ni des oreilles d’âne.
Le résultat est juste à l’inverse que celui espéré. Ce n’est en soi pas grand-chose. Juste une inversion de polarité. Du (+) je suis passé au (-), il suffit d’un petit trait vertical pour former de nouveau un (+). Cependant la médecine est par moment irrationnelle, (2+2=2) ne la choque pas. Le but pour elle est de tendre vers un résultat. Ce résultat dépend de tant de constantes qui ne sont pas constantes que le patient en perd parfois son latin. Même les non latinistes sont capables de perdre une langue morte qu’ils ne connaissent pas. N’est-ce pas la même l’irrationnalité de la médecine ?
Du coup je me promène avec une poche qui me suit partout. Je suis reliée à elle par un fil qui recueille mon trop plein de rationalité. Le sans-fil n’existe pas pour ce genre d’application. Dommage, j’aurais été moins emmerdé. D’autant plus que la poche, prônant elle aussi l’irrationnalité, a laissé échapper cette nuit et ce matin son contenant. Etant un être rationnel, j’ai retiré la poche et j’ai mis la sonde dans une botte afin de ne pas laisser de trace en marchant.
Ce midi, je suis invité, j’essaierai d’être discret en retirant les bottes. Et que faire du liquide qui goutte ! Le tuyau est suffisamment long pour être placé sous la chaise voisine.

dimanche 21 avril 2019

La mécanique et ses effets

Trois ans que je n’avais pas écrit une ligne. Exception de quelques dossiers, de deux ou trois lettres de motivation et d’une cinquantaine de signatures. Pourquoi ce besoin d’écrire pressant et incontrôlable ? Une diarrhée de l’esprit a diagnostiqué mon médecin traitant. Je reconnais qu’il a un sacré sens de l’analyse et du résumé.
L’avantage de la diarrhée est qu’elle se crée sans effort. Par contre elle n’a aucun intérêt pour le lecteur, sauf d’engendrer des spasmes de déglutition de l’esprit. Après une introspection et deux litres de dopant alcoolisé, je déterminai enfin la raison de ma gastro mentale.
Je me réfugie dans l’écriture car j’angoisse d’affronter mes fantômes qui me hante à longueur de journée. Heureusement ils me lâchent la grappe la nuit. Et oui les fantômes diurnes existent. La nuit ils sont blancs, la journée ils sont noirs. Sauf autour du cercle polaire où ils sont noirs nuit et jour. Mes fantômes correspondent à ma vie active. Je suis sensé être un mécanicien et un soudeur. Je le suis vraiment, des morceaux de papier l’attestent.
Vingt pour cent des bateaux secourus en mer sortent de révision. Je ne suis pas certain du chiffre, et j’ai la flemme de chercher sur internet. Mais le chiffre m’avait choqué. Cependant tant que je n’exerçais pas, cela ne me dérangeais pas ? Je fais mes propres révisions et si je tombe en panne, je serai pourquoi : sur mon moteur, je suis un peu laxiste. 
Sur le moteur d’un client, c’est différent. Surtout que je suis d’un naturel distrait. Et cela dès ma naissance. Je me suis trompé de sortie au détriment de ma mère. Et bien il m’arrive les mêmes mésaventures dans mon métier de mécanicien. Sur les moteurs de bateau, la moindre négligence peut induire des accidents. Une panne de moteur dans une zone de fort courant, même par temps calme, peut vous drosser sur la côte. Si c’est une plage de sable, il y a moins de risque. Mais les cailloux sont légions dans nos régions et ils adorent déchiqueter les coques. Le pire est d’être drossé sur une île peuplée de sirènes.
Dans un moteur de bateau, il y a beaucoup de fils électriques, de toutes les couleurs. Lorsque vous intervenez, vous les débranchez. Ensuite, studieux, vous les rebranchez sous le regard du client soupçonneux. Il ne faut pas hésiter. La bonne contenance s’impose, vous connectez sans trop vous préoccuper du pourquoi du comment. La mécanique n’est pas de la philosophie.
Le lendemain, évidemment, vous avez un coup de téléphone de votre client mécontent qui hurle :
- Lorsque je démarre mon moteur, le guindeau descend l’ancre ! Lorsque j’arrête le guindeau, le frigo s’arrête ! Et lorsque j’active le frigo, le moteur démarre !!!
Impassible je réponds :
- Changez les étiquettes.
L’autre jour, j’ai tellement trifouillé les connections d’un système de navigation sans fil que lorsque le propriétaire l’a enclenché, les moteurs d’un appareil israélien qui alunissait se sont éteints. Cet événement sans gravité sauf financière a montré mes limites. Pour l’instant, je ne suis intervenu que sur deux bateaux : un voilier et un non voilier. Aujourd’hui ils sont au port. Dès qu’ils sortiront, je flipperai en espérant ne pas tilter.
Ceci est la partie sur la mécanique. La soudure sera l’occasion d’un autre article si j’en ai le courage.
L’avantage de l’écriture est qu’il est difficile de mettre la vie d’autrui en danger. Elle peut parfois déclencher des blessures narcissiques, être diffamatoire. Même lorsque la plume est trempée dans du vitriol, elle ne défigure pas. D’ailleurs, si les armes de guerre étaient des plumes, nous serions trop nombreux sur terre.
Je ne suis pas plus compétent en écriture mais il n’y a pas de dommage collatéraux à part pour ma fille dont tout le monde sait qu’elle a été baptisée à son insu.

jeudi 18 avril 2019

Notre Dame


La cathédrale Notre Dame a brûlé. Brûlé sans (e) s’il vous plaît. Il est inadmissible qu’il n’y ait pas une dérogation. Marie mérite un « e »même avec le verbe avoir. Comme disait Joseph, le mari de Marie, qui était fort mari de voir Marie enceinte, il ne disait rien car le verbe « avoir » tel qu’il existe n’était pas usité. Cependant, il n’hésitait pas à raconter quand il avait un coup dans l’aile dans le bar papyrus de Jérusalem :
- Le miracle est que Marie soit devenue vierge après avoir enfanté.



J’en reviens à mon mouton avant que Brigitte Bardot ne le prenne pour un âne. La cathédrale Notre Dame a brulée (avec un « e »). Pourquoi a-t-elle brulée? Là est la question. Les médias nous laissent penser que cela serait dû à une erreur humaine. Pauvre gars qui a commis cette erreur. Certains adeptes du complot accusent Macron, les groupes de BTP, Christine Boutin qui par sa dévotion aurait allumé trop de cierges, un SDF qui aurait eu trop froid, des gilets jaunes désirant l’aumône des riches. Cependant toutes ces hypothèses sont insatisfaisantes. Alors pourquoi y a-t-il eu erreur humaine ? Peut-il y avoir une erreur humaine dans la maison de Dieu ? Que de questions sans réponses. Lorsque j’étais enfant de chœur, le curé me disait souvent :
les voies du seigneur sont impénétrables, en me pénétrant.



Le clergé a la réponse car lorsque je suis retourné voir mon curé pour lui mettre mon poing sur la gueule, il m’a dit cette fois-ci sans me pénétrer :
-Si tu me tapes, tu tapes notre Seigneur. Je n’ai fait qu’obéir à mon ressenti divin, les voies du seigneur sont incompréhensibles.
Je lui ai mis mon poing sur la gueule. Il a aimé ça le salaud.
Toujours dans l’expectative, je me rappelais que je possédais une application divine*. Il me suffisait de l’activer près d’un calvaire. J’envoyais un message sur le forum divin :



- Pourquoi la cathédrale Notre Dame a Brulée ?
Je suggère que le mot « brulé » et ses dérivés prennent une majuscule.
La réponse est immédiate :
- Qui es-tu misérable crevure pour réveiller ton Seigneur pendant la sieste ?
Je ne me démonte pas, surtout depuis que je sais que c’est Dieu qui m’a possédé dans ma tendre enfance. Je me sens un peu comme son ex.
- Pourquoi la cathédrale Notre Dame a-t-elle Brulée ?
- Parce que j’y ai mis le feu.
- Vous ?! Dieu ! Avoir brûlé votre propre maison ?!
- Il fallait bien que j’allume mon pétard.

PS : de nombreuses cathédrales brûlent actuellement dans de nombreux endroits dans le monde et choses miraculeuses (merci Dieu) sur la méditerranée en tentant de la traverser.

* Voir l'article précédent: Baptême.

mercredi 17 avril 2019

Baptême

Ma grande fille m’a houspillé car dans l’article précédent j’ai écrit qu’elle était baptisée. Elle considère que mes écrits ne sont qu’un ramassis de délires séniles et de mensonges frisant la mythomanie.



Je ne lui donnerai pas tort, il est vrai que parfois mes doigts tapent plus vite que mon cerveau l’ordonne. Cependant je ne déforme jamais la réalité, je suis surveillé par mon surmoi et il est intransigeant. Si j’écris baptême de ma fille, c’est qu’elle est baptisée. Sa réaction est normale, elle ne le sait pas. L’origine de son ignorance, je l’impute à Dieu ou à ses ouailles ailées.



J’aurais peut-être dû l’informer de son nouveau statut. De plus le baptême est récent, il date de la semaine dernière. Je l’ai baptisée presque par hasard.



Je vaquais sur un chemin vicinal, les yeux rivés sur le portable. Je ne cherchais pas de Pokemons, j’admirais le paysage en usant de View Streets. C’est génial, vous voyez le paysage tel que si vous y étiez. Plus besoin de tourner la tête dans tous les sens, une rotation du doigt et vous avez un panoramique. Le deuxième avantage est qu’il fait toujours beau. Alors pourquoi se promener ? Parce qu’un tapis marcheur n’entre pas dans le bateau. Je reviens à mes moutons avant que monsieur Seguin ne les confonde avec une chèvre. Je déambulais donc dans un village si j’en crois Google Map, lorsque mon chemin croise un autre chemin. A l’intersection se trouve une croix posée sur un socle appelé communément calvaire.



À ce moment, apparaît sur mon téléphone une notification : j’ouvre et après avoir coché le truc sur les cookies, je lis :



« Parrainez un proche pour un Baptême garanti à vie et à mort et nous vous offrons le repos éternel ».



Je craque immédiatement. Vivant dans le monde de l’obsolescence programmée, je me réjouis de l’existence d’un produit éternel. Possesseur d’un baptême depuis mon plus jeune âge, je peux parrainer. Je décide d’en faire profiter mes enfants. Mais lequel choisir ? Les deux plus jeunes sont d’office exclus, cela ferait trop plaisir à ma belle -mère qui a sous-entendu qu’elle les ferait baptiser dans mon dos. Le plus grand m’a certifié que, durant son coma, il avait croisé Dieu et que c’était un fumeur de haschisch. Je croyais qu’il fumait un bon havane. Je n’avais plus le choix pour mon choix. Ma grande fille s’imposait d’office.



Je suis navré Ninon, ainsi grâce à ton dévouement inconscient, j’ai gagné le repos éternel.



lundi 15 avril 2019

Partage

Les enfants sont partis avec leur maman rendre visite à ma belle-famille. Je profite de ce moment d’accalmie. J’en profite en égoïste. Si je partageais ce moment, le calme disparaîtrait de lui-même et la torpeur cotonneuse qui l’auréole avec. Quoique, écrire est une forme de partage, et partager par l’intermédiaire des liens sociaux est aussi du partage.



Je suis généreux, j’adore partager. Internet est génial pour cela. Il permet à notre altruisme de s’épanouir. Grâce au web, je me suis ouvert à mes contemporains. J’ai bien essayé avec mes aïeux mais les cimetières ne sont pas encore en réseaux. Je partage mes vacances, la dent de lait de la petite, le premier verre de bière du grand, le premier ver du petit, mon nouveau vélo, un fémur que mon chien a déterré dans le cimetière mitoyen, l’agression d’une personne âgée (je ne suis pas intervenu, sinon je n’aurais pas pu partager) le baptême de la grande, la gastro de la maman, le safari anti poux, le coït ininterrompu...



Je suis enthousiasmé par cette nouvelle technologie qui s’améliore de jour en jour et nous rapproche les uns des autres. Maintenant même des personnes vivant dans des pays défavorisés ont accès à internet, n’est-ce pas génial ? Il est plus facile de se connecter que de trouver un sac de riz et l’eau potable. Mais ils sont rassurés, car ils savent que d’autres se bâfrent à leur place à longueur de journée.



Je partage tout c’est génial. À non ! Pas mon assiette, le premier qui tente de me subtiliser une once de nourriture, je lui plante la fourchette dans la main.

samedi 13 avril 2019

Bateau

Pourquoi vivre sur un bateau ? Tout simplement pour attendre la montée des eaux. J’attends avec impatience car j’ai investi dans des terres suffisamment hautes pour ne pas être envahi dans le pire des scénarios catastrophes, et avec suffisamment de dénivelé pour être certain d’être au bord de la mer. J’ai déjà commandé le ponton d’accostage. Je le fixe la semaine prochaine. Pour les autochtones, je suis un riche excentrique. Cependant le paysan à qui je loue le pré est bien content de pouvoir poser sa balle de foin sur le ponton à l’abri de l’humidité.
Je passe pour un schizophrène à tendance paranoïaque. C’est faux. Je suis en analyse depuis 2003. Je vis avec une psychologue depuis cette date. Au début c’était un amour intéressé. 50 euros la consultation, je n’ai pas hésité. Anne Sophie n’a pas hésité non plus, le prix de la pension de sa jument exigeait un petit sacrifice. Depuis j’ai fait mon transfert, Anne Sophie son contre transfert et nous vivons un parfait amour. D’après Anne Sophie je suis sain d’esprit. Donc ceci confirme que les gens qui me suivent toute le journée sont bien réels.
Nous vivons dans le bateau dans l’attente de la montée des eaux. Tout se passe bien. Parfois quelques incidents perturbent l’harmonie familiale. J’en suis à chaque fois le responsable. L’autre nuit en creusant une cave afin de stocker de bonnes bouteilles (je suis hyperactif, je ne dors jamais), je tombe sur une source. Je manque de m’évanouir de bonheur. L’eau potable deviendra un problème dans les futures années, et j’ai une source juste sous les pieds : l’avenir assuré ! Malheureusement il s’avère que l’eau est saumâtre et impropre à la consommation. L’eau envahit le bateau. Je dois réveiller ma petite famille afin de les mettre au sec.
Ma femme au petit matin me dit :
- Terminées les permissions. Tu resteras dorénavant en chambre d’isolement.

jeudi 11 avril 2019

Mutation

Le mois de février si clément au niveau des températures a déclenché une mutation. Une mutation qui va à l’encontre des courants biens pensants : d’intégriste écologiste, j’ai muté en intégriste pollueur.
Je suis malheureux de ma nouvelle condition mais je suis plus efficace. J’ai tenté de lutter contre la pollution et ses gaz à effet de serre. J’ai même essayé comme les djihadistes d’attenter à la vie de blasphémateurs pollueurs : inefficace. La bombe à base de vessie de porc et de gaz de méthane récolté au cul des vaches n’a eu comme effet que d’émettre une horrible onomatopée malodorante et j’ai été considéré comme un infâme porc qui ignore l’existence du savon. Un écologiste est forcement inefficace dans des actions terroristes. Il fabrique des bombes qui ne pollue pas. J’aurais pu lâcher un nid de frelons, mais j’ai trop peur de ces bêtes à aiguillon. L’associations L214 et les végans m’ont pas apprécié l’utilisation de la vessie de cochon, pourtant il était bio, comme le pétrole.
Le soleil de février m’a ouvert les yeux. Le réchauffement a du bon. De plus, il est plus facile de participer au réchauffement que de le limiter. Depuis ce jour, je roule pour le plaisir de polluer. Je reconnais que ça me coûte, j’ai horreur de la voiture. Je ne culpabilise même pas, de toute façon il est trop tard. Autant participer au réchauffement et accélérer le processus.
Ainsi, probablement que dans quelques dizaines ou centaines d’années, l’homme disparaîtra détruit par sa propre suprématie. La terre se reposera, retrouvera un écosystème équilibré.
Les dépôts organiques se déposeront sur les fonds des océans et ailleurs. La terre se transformera et dans 20 à 350 millions d’années, un nouveau pétrole apparaîtra . Mon corps sera peut-être un de ces éléments (je polluerai ainsi une deuxième fois). Une espèce intelligente redécouvrira le pétrole et un nouveau cycle se créera. L’espérance de vie de la terre étant estimé à 4,5 milliards d’années, ça laisse un peu d’espoir de tomber sur une espèce intelligente et responsable. Sauf si l’homme comme le phénix renaît de ses cendres.


mardi 9 avril 2019

Précocité

Toutes activités demandent au minimum un échauffement et pour la pratiquer correctement une formation ou un entraînement. La pétanque, aussi bien que le vélo ou le ski, ne peut être pratiquée avec aisance sans un léger apprentissage. Ce dernier peut être, suivant les individus, une simple observation à un stage intensif. Ceci n’empêche pas les aléas de la pratique tel que se prendre une boule de pétanque tirée par un joueur dopé au pastis (cliché un peu facile mais le plaisir y est).
Nous sommes aussi entraînés dés notre plus jeune âge à notre vie d’adulte. Nous sommes préparés par les études à être plus ou moins efficaces dans notre vie active. Cependant nous ne sommes pas préparés à être vieux. Sommes-nous prêts à vivre avec notre AVC, notre Alzheimer, notre démence sénile, notre arthrite chronique, notre libido défaillante, ainsi de suite ? Non.
Conscient de cette carence, j’ai décidé de m’entraîner. Je reconnais que j’ai certaines aptitudes. Être un vieux con ne me pose aucun problème*. J’ai toujours fait partie de cette catégorie. Être mou de la libido est naturel (je suis allergique à la testostérone). Ma femme a compensé ma défaillance chronique en séduisant mon nègre que je salarie théoriquement pour écrire les articles à ma place. Et j’écris toujours. Mais impossible de faire croire que c’est mon nègre. Il est aussi doué en écriture que dans les jeux de l’amour. Je me suis fais une raison. Voir ma femme comblée et heureuse me rend encore plus amoureux d’elle.
Je m’égare et je frise le hors sujet, qui est d’ailleurs une de mes spécialités, celle-là est innée. J’en reviens à mes moutons avant que la bergère ne les rentre. J’ai dernièrement franchi le cap des soixante ans. Ne voulant pas être surpris, depuis je m’entraîne.
Mon entraînement a porté ses fruits. Il a même dépassé mes espérances les plus folles : j’ai été diagnostiqué sénile précoce. Moi qui ai toujours rêvé d’être au dessus du lot , j’y suis enfin arrivé ! Une précocité qui m’a ouvert les portes de l’EHPAD de l’île aux Moines, à la grande joie de mes enfants et de ma femme qui ne supportaient plus ma précocité. 



vendredi 5 avril 2019

Rancœur

La famille a fêté les onze ans de Louise le 21 mars. C’est un événement que nous fêtons en général tous les ans. Nous sommes des conservateurs traditionalistes réactionnaires. Nous sommes restés très basiques et continuons à perpétuer cette tradition désuète d’allumer des bougies dont la cire coule sur le gâteau.
Cette année, j’ai refusé de souhaiter un heureux ou joyeux anniversaire à ma fille. Le responsable est un flash-back ou un retour de mémoire spontané et impromptu (pour les francophone intégriste). Le retour en arrière, qui est d’ailleurs plus facile à exécuter qu’un retour en avant, a laissé sur la langue une amertume dont trois cafés calva n’ont pas réussi à atténuer.

À mes onze ans, ma fille Louise ne m’a pas souhaité mon anniversaire.

Ce souvenir, surgissant après cinquante années, était intact. Comment avait-il pu resté aussi net après un demi-siècle de vie de débauche, entrecoupé de séjours en cure de désintoxication ? Je l’ignore. Peut-être les bienfaits de l’alcool ? Il me fut impossible donc de chanter en cœur : « joyeux anniversaire », à la grande joie de ma femme qui est allergique à mon sens du tempo.
Louise intriguée et attristée par mon comportement me questionna. Je lui expliquai les raison de ma réaction que je considérai et que je considère toujours fort appropriée. Elle me répondit :
- Mais papa, je n’étais pas née !

Je me retins de justesse de la corriger sévèrement. Une telle suffisance de sa part n’aurait pas dû m’étonner. Mais être poignarder dans le dos par sa propre fille est un arrache-cœur. Son excuse était méprisante : elle n’était pas née. Et alors !? Elle aurait pu faire un effort :
- Coucou papa ! C’est moi Louise. Je passe juste pour te souhaiter un heureux anniversaire.
Trois mots et j’étais le plus heureux des papas. Mais que nenni, rien même pas un petit télégramme :
Bon anniversaire papa stop je t’aime stop.

- Papa
- Oui ?
- C’est l’heure de retourner à l’EHPAD
Elle n’aura pas de réponse, je viens de réaliser qu’elle n’a fêté aucun de mes anniversaires pendant cinquante ans et des poussières.