Quand je pense que mon frère s’est foutu en l’air en se
jetant en solitaire d’un étage haut perché.
Son suicide manquait d’ambition. D’ailleurs de son
vivant, c’est-à-dire lorsqu’il répondait aux questions existentielles que je
lui posais, il exécrait mes remarques acerbes et injustifiées.
N’empêche, je le pense toujours, son suicide était d’un
triste à mourir, d’ailleurs il en est mort. Mourir tout seul, dans une société
basée sur le partage, est le comble de l’absurdité. Il aurait pu mettre en
scène son envolée plagiant Icare. Il aurait eu une infinie de vue à titre
posthume sur YouTube et des kilos de
partage sur Facebook. J’en aurais probablement retiré une notoriété. Que nenni,
il n’a même pas fait la une de la gazette très locale.
Il aurait pu partir accompagné. Il aurait loué un engin
de terrassement. Il se serait ensuite enfiler la Gay Pride. Mon frère avait les
mêmes goûts que la majorité des femmes, il aimait les hommes. Ainsi, il aurait
eu une vie posthume agréable et sans tabous.
Sincèrement, il a tout raté. Mon frère avait le type méditerranéen
mâtiné magrébin. D’ailleurs lorsqu’il était gamin, il était systématiquement contrôlé
par les forces de l’ordre. A l’époque l’état d’urgence existait déjà pour certaines
catégories. Il aurait fait allégeance à un
dieu intolérant et cruel. Ce dernier lui aurait accordé un permis de massacrer
femmes, enfants et hommes. Ainsi il aurait fait la une de la Une.
Ainsi j’aurais pu faire comme nos hommes politiques,
profiter du massacre d’innocents pour bondir ou rebondir.
Mais c’était un gentil.