une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







jeudi 13 juin 2013

Absence du nègre



Ce texte n’est pas récent.

Notre nègre nous a quittés. Il a trouvé une place financièrement plus intéressante. Le grand rabbin de France l’a embauché afin qu’il lui écrive ses mémoires. Evidemment ceci est un secret et il ne sera pas ébruité.
Depuis son départ, ma femme est en dépression. Elle ne réagit même plus aux morsures du petit dernier. J’essaye de compenser son absence, mais je ne suis qu’un pâle ersatz qui n’arrive  pas à la faire frémir.
Nous sommes dépités, il est parti sans préavis. De jour au lendemain, je dus m’acharner à écrire, comme vous le remarquâtes. Le style devint laborieux et les idées transparentes. Je me refuse de dévoiler son absence, mais ma femme me supplie de le divulguer afin qu’une bonne âme la prenne en pitié et vienne la consoler.
Si je veux continuer à écrire, je dois impérativement retrouver un nègre qui accepte de travailler comme l’ancien. C’est à dire sans être payer, en participant entièrement aux tâches ménagères, en s’occupant des enfants et en protégeant ma femme contre les dangers de la nuit. Mais trouver un nègre qui accepte de travailler comme les nègres des caraïbes est quasiment impossible. Surtout que nous pourrions être considérer comme des esclavagistes, nous qui avons le cœur sur la main.

Je passai donc quelques annonces, j’ai quelques réponses que je considère viables. Mais ma femme n’a pas la même vision. Elle veut un homme qui fleure bon les tropiques. Elle désire se blottir contre sa peau cuivré, palper ses muscles, pianoter sur sa barre de chocolat et sentir en elle exploser toute l’Afrique. Elle exige d’être bercée par une voix chaude et suave.
En plus elle est jalouse. Elle ne supporte pas l’idée que le grand rabbin puisse aussi sentir en lui vibrer toute l’Afrique. Elle est tellement en colère qu’elle serait capable de révéler à la presse ses nombreux plagiats.
Elle a osé.

Deux jours plus tard, notre nègre revenait à la maison. Le grand rabbin muté en ex grand rabbin l’avait licencié.
Ma femme est de nouveau heureuse, et lorsque ma femme est heureuse, je le suis. Ça c’est de l’amour.

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