Ce texte n’est
pas récent.
Notre nègre nous a quittés. Il a trouvé une place
financièrement plus intéressante. Le grand rabbin de France l’a embauché afin
qu’il lui écrive ses mémoires. Evidemment ceci est un secret et il ne sera pas
ébruité.
Depuis son départ, ma femme est en dépression. Elle ne
réagit même plus aux morsures du petit dernier. J’essaye de compenser son absence,
mais je ne suis qu’un pâle ersatz qui n’arrive pas à la faire frémir.
Nous sommes dépités, il est parti sans préavis. De
jour au lendemain, je dus m’acharner à écrire, comme vous le remarquâtes. Le
style devint laborieux et les idées transparentes. Je me refuse de dévoiler son
absence, mais ma femme me supplie de le divulguer afin qu’une bonne âme la
prenne en pitié et vienne la consoler.
Si je veux continuer à écrire, je dois impérativement
retrouver un nègre qui accepte de travailler comme l’ancien. C’est à dire sans
être payer, en participant entièrement aux tâches ménagères, en s’occupant des
enfants et en protégeant ma femme contre les dangers de la nuit. Mais trouver
un nègre qui accepte de travailler comme les nègres des caraïbes est quasiment
impossible. Surtout que nous pourrions être considérer comme des esclavagistes,
nous qui avons le cœur sur la main.
Je passai donc quelques annonces, j’ai quelques
réponses que je considère viables. Mais ma femme n’a pas la même vision. Elle veut
un homme qui fleure bon les tropiques. Elle désire se blottir contre sa peau
cuivré, palper ses muscles, pianoter sur sa barre de chocolat et sentir en elle
exploser toute l’Afrique. Elle exige d’être bercée par une voix chaude et
suave.
En plus elle est jalouse. Elle ne supporte pas
l’idée que le grand rabbin puisse aussi sentir en lui vibrer toute l’Afrique.
Elle est tellement en colère qu’elle serait capable de révéler à la presse ses
nombreux plagiats.
Elle a osé.
Deux jours plus tard, notre nègre revenait à la
maison. Le grand rabbin muté en ex grand rabbin l’avait licencié.
Ma femme est de nouveau heureuse, et lorsque ma
femme est heureuse, je le suis. Ça c’est de l’amour.
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