une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







jeudi 6 juin 2013

Rouge



Le chemin qui même à l’ordinateur, mon outil de travail, est de plus en plus encombré. Le débroussailleur, la serpe et la hachette peinent à déblayer un tel enchevêtrement. Hercules refuse de s’atteler à un tel travail. Ce n’est pas la tâche insurmontable qui le rebute, c’est le chiffre treize, d’après lui, ce chiffre porte malheur. Donc, je n’ai que mes dix doigts pour me frayer un passage. La persévérance paye parfois, comme ce matin où je suis devant le clavier. Toute la nuit fut nécessaire pour dégager un accès. J’ai les doigts en charpie et le cerveau en marmelade.
Dans un tel état, l’écriture est difficile. Avec un cerveau en dérangement et les doigts qui inondent le clavier de sang, je vois rouge. Le rouge, à l’aube n’est pas une couleur qui inspire. Seul le bleu stimule mon imagination. Malheureusement, issus d’une lignée de roturiers vivant aux crochets des nobles, je n’ai pas le sang bleu.
Le vie est injuste et ne récompense pas le dur travail. Une nuit entière à se débattre contre des éléments hostiles, à affronter de vieux démons, à fuir les évidences et la gratification est une page blanche taguée de rouge. Le rouge, je ne l’apprécie que lorsqu’il est dans une bouteille scellée par un bouchon en liège et non en plastique. J’ignorais que le plastique était une matière renouvelable. Il tue la respiration du vin et tarit sa poésie. De plus, sauf pour les vins que mon portefeuille rechigne à m’offrir, les bouchons en plastique brident l’échange verbale entre l’attablé et l’homme debout :
- Pardon, il me semblerait que votre vin est bouchonné.

Il est l’heure de réveiller toute la famille. Avant de passer à l’action, je rebouche la bouteille de pinard, la planque dans l’armoire, me lave les dents, avale un tube de dentifrice afin que personne ne soupçonne la présence de ma maîtresse.

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