Que vais-je devenir ? Je chute dans les profondeurs
noires des abimes et les parois ne m’offrent aucunes prises rationnelles pour
stopper ma dégringolade. Pourtant au départ j’étais raisonnable, je buvais
comme tout un chacun. D’accord j’étais un petit peu porté sur le calva, mais
juste quelques verres par jour afin d’étancher ma soif. J’étais socialement intégré,
et personne ne remarqua ma passion pour le jus de pomme issu d’un alambic.
Il y quelques années, je dirais une quinzaine, je m’intéressai
à mon équilibre nutritionnel. À l’époque, la condition primordiale pour être en
forme était de boire un litre et demi d’eau par jour. D’ailleurs, la dose
correspondait parfaitement à la bouteille vendue dans le commerce. J’ignore si
la quantité dépendait de la bouteille ou si la bouteille s’adapta à la quantité.
Peu importe, cela ne changea rien à mon problème. Ce problème est que je buvais
très peu d’eau : le matin dans mon expresso, le midi dans mon expresso et
le reste étant dilué dans le calva. Mon médecin très au fait de la diététique
me précisa que l’eau du café ne comptait pas. Je n’osai pas lui préciser que je
ne m’hydratais qu’avec du calva.
Je m’aperçus donc que je consommais très peu
d’eau. J’étais loin des cent cinquante centilitres exigé par
le corps médical.
Que pouvais-je faire ? Je ne supportais pas
l’eau pure. J’y étais allergique et j’y suis toujours. Dès que j’avale une
gorgée de cet immonde breuvage je vomis. Même diluée dans le vin, je sens
encore le goût aqueux et je régurgite l’ensemble. Je ne l’accepte que lorsqu’elle
est diluée dans cinquante pour cent d’alcool, d’où mon attrait pour le jus de pomme.
A l’époque, je désirais et je désire encore vivre le
plus longtemps possible en bonne santé. Je décidais donc d’obéir à mon médecin
en buvant un litre et demi d’eau par jour, évidemment dilué dans le calva. Je
reconnais que les premier mois j’eus un peu de difficulté à absorbé une telle
quantité. D’ailleurs, je ne réussis jamais à atteindre la dose prescrite.
J’avais beau adorer le calva, mais en ingurgiter trois litres était impossible.
Je réussis cependant à boire quotidiennement un litre d’eau par jour, ce qui correspondait
à deux litres de calva. J’explique pour les non-comprenants
que dans une bouteille de un litre de calva à 50°, il y a un demi-litre d’eau.
Malgré l’affirmation des médias et du corps médical,
ma santé n’évolua pas vers le beau fixe. Au contraire elle se détériora
rapidement et en plus, je devins dépendant. Je ne pouvais plus me passé de mon
litre d’eau par jour. Je tentais bien de me sevrer en ne buvant que de l’alcool
pur, mais je ne réussis pas à en laper une gorgée.
Je ne sais plus que faire. Ce message est une
bouteille à la terre. J’espère que j’aurai une réponse salutaire. L’eau a
sabrée ma vie. J’ai tout perdu, ma femme, mes enfants, mon boulot. Heureusement
que j’ai encore mon bateau, mais il faudra que je m’en sépare. Depuis mon
traitement, je hais l’eau sous toutes ses formes.
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