une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







vendredi 28 juin 2013

Dépendance



Que vais-je devenir ? Je chute dans les profondeurs noires des abimes et les parois ne m’offrent aucunes prises rationnelles pour stopper ma dégringolade. Pourtant au départ j’étais raisonnable, je buvais comme tout un chacun. D’accord j’étais un petit peu porté sur le calva, mais juste quelques verres par jour afin d’étancher ma soif. J’étais socialement intégré, et personne ne remarqua ma passion pour le jus de pomme issu d’un alambic.
Il y quelques années, je dirais une quinzaine, je m’intéressai à mon équilibre nutritionnel. À l’époque, la condition primordiale pour être en forme était de boire un litre et demi d’eau par jour. D’ailleurs, la dose correspondait parfaitement à la bouteille vendue dans le commerce. J’ignore si la quantité dépendait de la bouteille ou si la bouteille s’adapta à la quantité. Peu importe, cela ne changea rien à mon problème. Ce problème est que je buvais très peu d’eau : le matin dans mon expresso, le midi dans mon expresso et le reste étant dilué dans le calva. Mon médecin très au fait de la diététique me précisa que l’eau du café ne comptait pas. Je n’osai pas lui préciser que je ne m’hydratais qu’avec du calva.
Je m’aperçus donc que je consommais très peu d’eau.  J’étais  loin des cent cinquante centilitres exigé par le corps médical.
Que pouvais-je faire ? Je ne supportais pas l’eau pure. J’y étais allergique et j’y suis toujours. Dès que j’avale une gorgée de cet immonde breuvage je vomis. Même diluée dans le vin, je sens encore le goût aqueux et je régurgite l’ensemble. Je ne l’accepte que lorsqu’elle est diluée dans cinquante pour cent d’alcool, d’où mon attrait  pour le jus de pomme.
A l’époque, je désirais et je désire encore vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Je décidais donc d’obéir à mon médecin en buvant un litre et demi d’eau par jour, évidemment dilué dans le calva. Je reconnais que les premier mois j’eus un peu de difficulté à absorbé une telle quantité. D’ailleurs, je ne réussis jamais à atteindre la dose prescrite. J’avais beau adorer le calva, mais en ingurgiter trois litres était impossible. Je réussis cependant à boire quotidiennement  un litre d’eau par jour, ce qui correspondait à deux litres de calva. J’explique pour les non-comprenants que dans une bouteille de un litre de calva à 50°, il y a  un demi-litre d’eau.
Malgré l’affirmation des médias et du corps médical, ma santé n’évolua pas vers le beau fixe. Au contraire elle se détériora rapidement et en plus, je devins dépendant. Je ne pouvais plus me passé de mon litre d’eau par jour. Je tentais bien de me sevrer en ne buvant que de l’alcool pur, mais je ne réussis pas à en laper une gorgée.
Je ne sais plus que faire. Ce message est une bouteille à la terre. J’espère que j’aurai une réponse salutaire. L’eau a sabrée ma vie. J’ai tout perdu, ma femme, mes enfants, mon boulot. Heureusement que j’ai encore mon bateau, mais il faudra que je m’en sépare. Depuis mon traitement, je hais l’eau sous toutes ses formes.

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