Dimanche
matin.
Il
neige, les deux ados sont heureux comme des rois. Pourtant rien ne certifie que
les rois soient heureux. Les enfants espèrent que la neige leur fermera l’accès
du collège et du lycée. Bien qu’ils soient adolescents, ils considèrent
toujours leur père comme un dieu. Ce matin j’ai eu droit à de nombreuses
offrandes. Leur action n’était pas innocente. Ils espéraient atténuer ma
témérité incontrôlable. Elle est capable de m’ordonner de prendre la voiture
avec tous les gamins à bord et de m’imposer de conduire dans des conditions où
l’adhérence est sponsorisée par Téfal.
Rien
ne terrassera la témérité, je n’ai pas peur de parcourir 150 km sous la neige
et des routes verglacées. D’ailleurs, ne suis-je pas un conducteur hors pair ?
N’ai-je pas les capacités de rouler à vive allure dans des conditions très médiocres.
La preuve ! Je n’ai jamais eu d’accident depuis que je tiens un volant.
D’accord, je n’ai plus de point, plus de permis, plus d’assurance. Je pourrais
suivre des stages de récupération de points, cependant je n’en vois pas
l’utilité. Je possède déjà toutes les qualités requises d’un parfait
conducteur. J’entends des voix qui s’élèvent parmi les lecteurs poltrons :
-
N’est-ce pas une forme d’inconscience de conduire sans être assuré ?
Je
réponds du tact au tact ; j’ai le sens de la répartie :
-
Pourquoi être assuré, alors que je ne suis jamais responsable d’aucun
accident ?
Nous
sommes dimanche soir, les grands sont toujours là. Je viens de me relire, et je
ne me reconnais point dans le discours que je tiens sur la conduite. Je sais
d’où ça vient : ce matin j’ai demandé à ma fille du paracétamol, elle a dû
se tromper et me refiler un ecstasy.
Lorsque
j’étais enseignant de dada, j’ai croisé un homme qui avait les mêmes
compétences décrites plus haut.
Il
est arrivé, tout fier d’avoir à réussi à convoyer ses deux enfants sur une
route de glace pure. Je me souviens, la semaine précédente un froid glacial
avait tétanisé l’Europe. Puis, la pluie avait surgi et transformé les sols en
une véritable patinoire.
Il
est arrivé tout fier de lui, d’ailleurs c’était le seul client, les autres plus
raisonnables avait renoncé. Je lui ai dit le fond de ma pensée. Cependant bien que
ses filles fussent les seules clientes, et que je n’eusse aucune envie de faire
un cours particulier, je fis un effort hors du commun en leur donnant une
leçon. Je ne voulais pas que l’irresponsable de père reprenne immédiatement la
route et trucide ses deux filles.
Je
ne revis jamais le père, ni les filles, il n’avait pas apprécié le fond de ma
pensée.
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