une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







vendredi 5 avril 2019

Rancœur

La famille a fêté les onze ans de Louise le 21 mars. C’est un événement que nous fêtons en général tous les ans. Nous sommes des conservateurs traditionalistes réactionnaires. Nous sommes restés très basiques et continuons à perpétuer cette tradition désuète d’allumer des bougies dont la cire coule sur le gâteau.
Cette année, j’ai refusé de souhaiter un heureux ou joyeux anniversaire à ma fille. Le responsable est un flash-back ou un retour de mémoire spontané et impromptu (pour les francophone intégriste). Le retour en arrière, qui est d’ailleurs plus facile à exécuter qu’un retour en avant, a laissé sur la langue une amertume dont trois cafés calva n’ont pas réussi à atténuer.

À mes onze ans, ma fille Louise ne m’a pas souhaité mon anniversaire.

Ce souvenir, surgissant après cinquante années, était intact. Comment avait-il pu resté aussi net après un demi-siècle de vie de débauche, entrecoupé de séjours en cure de désintoxication ? Je l’ignore. Peut-être les bienfaits de l’alcool ? Il me fut impossible donc de chanter en cœur : « joyeux anniversaire », à la grande joie de ma femme qui est allergique à mon sens du tempo.
Louise intriguée et attristée par mon comportement me questionna. Je lui expliquai les raison de ma réaction que je considérai et que je considère toujours fort appropriée. Elle me répondit :
- Mais papa, je n’étais pas née !

Je me retins de justesse de la corriger sévèrement. Une telle suffisance de sa part n’aurait pas dû m’étonner. Mais être poignarder dans le dos par sa propre fille est un arrache-cœur. Son excuse était méprisante : elle n’était pas née. Et alors !? Elle aurait pu faire un effort :
- Coucou papa ! C’est moi Louise. Je passe juste pour te souhaiter un heureux anniversaire.
Trois mots et j’étais le plus heureux des papas. Mais que nenni, rien même pas un petit télégramme :
Bon anniversaire papa stop je t’aime stop.

- Papa
- Oui ?
- C’est l’heure de retourner à l’EHPAD
Elle n’aura pas de réponse, je viens de réaliser qu’elle n’a fêté aucun de mes anniversaires pendant cinquante ans et des poussières.

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