Elle est revenue penaude la queue entre les jambes. Elle s’est prise une claque. Son compagnon d’un jour l’a rejetée comme un préservatif mainte fois reprisé. L’idée n’était que lumineuse. Les féeries de noël sont semblables. Elles brillent de mille feux, donnent un sentiment de bien-être, certaines rivalisent d’effets spéciaux. Cependant aucune chaleur ne se dégage d’elles. Elles sont aussi froides qu’une grenouille de bénitier.
Mon idée égarée était ainsi, elle était aussi creuse qu’une chouquette. Je l’ai accueillie froidement. J’étais refroidi par son infidélité et non pas par la grenouille de bénitier. Généreux et rancunier, je l’hébergeai. Je décidai de la punir. Le châtiment fixé pour un comportement aussi déviant est la vivisection sur la place publique.
La fameuse idée de départ, celle qui s’était barrée en emmenant tous ses rejetons était basée sur le syndrome de la page blanche. De là, l’imagination avait associé blanche, notion plutôt abstraite à une chose bien réelle en hiver : la neige. La neige en cette période hivernale est abondante en montagne.
En fusionnant les éléments, nous trouvons l’auteur assis à son bureau avec une feuille blanche devant lui. Le bureau est situé dans une pièce incluse dans un chalet d’altitude. L’auteur ne supportant pas l’atmosphère surchauffée a ouvert une fenêtre. Une grenouille de bénitier aurait eu le même effet, mais aucune n’était disponible. Maintenant que le décor est en place, l’action peut commencer.
Un courant d’air, créé par un enfant insensible au dur labeur de griffonnage, emporte la feuille blanche dans la neige. L’auteur n’étant plus de première jeunesse n’arrive pas à différencier les deux éléments. L’homme, effrayé par le destin maléfique qui le poursuit depuis plusieurs jours, enfile des chaussures de neige. Il sort.
Scène II.
Derrière lui le chalet, devant lui à une dizaine de mètres, une forêt de conifères, entre les deux, une zone d’incertitude. Zone sensée héberger la page vierge.
J’avais oublié, le chalet est dans le parc du Mercantour. Evidemment des loups surgissent les babines retroussées et l’un des leurs adresse la parole à l’auteur :
- Ouuouououououououououououououououououououououououououoh !
Pour les personnes qui ne sont pas bilingue, je traduis simultanément le texte.
- Bipède bigleux, n’aurais-tu point vu un caribou ?
L’auteur n’est pas surpris par l’apparition des loups. Par contre, connaissant la faune et la flore des alpes du sud, il sait qu’il n’y a pas de caribou. Il explique aux loups l’incongruité de leur quête.
- Nous le savons, répond le loup. C’est pour cette raison que nous sommes là. Nous connaissons vos dons de créateur. Nous comptions sur vous pour que vous incorporiez un troupeau de caribous échappés d’un rêve dans la forêt. La viande de mouton devient de plus en plus indigeste. Entre les bergers et les Patous, chien allergique aux loups, le mouton nous laisse un goût amer dans la gueule. Il n’y a pas de raison que nos congénères canadiens mangent du caribou et nous des charognes et quelques lapins perclus de myxomatose.
L’auteur est dubitatif. Il adore utilisé ce mot. Il lui trouve une connotation érotique. L’auteur dubitatif ne sait que répondre. Contrarier des loups n’est pas sans conséquence. De nombreux enfants, de femmes ont été dévorés par les loups par pures représailles. Si l’homme a exterminé le loup, ce n’est pas pour le plaisir. Comment expliquer aux loups, que les interférences entre le réel est l’imaginaire relèvent de l’hérésie ? Si l’homme a brulé vives des sorcières, ce n’est pas pour le plaisir. L’auteur, homme de ressource, trouve une solution en demi-teinte.
- Loups, j’ai une solution qui se rapprochera de vos désirs.
- Nous t’écoutons bipède.
- Je n’ai pas de caribou mais du Canigou. A l’oreille, c’est pratiquement la même chose. Pour mon fils dyslexique, c’est le même mot. Cependant, je vous l’offrirai en échange d’un menu service.
- Bipède, nous connaissons le désintéressement naturel de l’homme, nous acceptons de troquer la page blanche contre du cabiloup.
- Du canigou reprend L’auteur toujours dubitatif.
Il accepte le troc en surveillant de près les crocs acérés.
Les loups, beaucoup plus tolérants et pacifiques que les croyances ancestrales nous l’ont laissés supposer, acceptent dubitatifs.
Scène III
Les loups mangent de la pâtée pour chien à même la neige. Ils dévorent jusqu'à la dernière miette et remercie l’auteur.
- Bipède, nous te remercions. Nous aurions préféré chasser le caribou, mais nous devons nous adopter à notre nouvel environnement. Nous regrettons le temps où nous pouvions violer les femmes et les enfants, et ensuite les dévorer. Par contre comment se fait-il que tu possèdes autant de boites de Canigou, alors qu’aucun quadrupède à quatre pattes n’est couché entre tes jambes ?
L’auteur est dubitatif. Les boites ont une origine trouble. L’auteur n’est ni un enfant pré-pubère, ni une femme. Il ne risque donc aucun châtiment corporel de la part des canis lupus. Il peut dévoiler la triste vérité.
- J’ai un ami passionné de contrebande. Tous les jours, il passe la frontière italienne avec des marchandises. Cependant, étant foncièrement honnête, il importe que des marchandises légales. Il achète des boites de Canigou un certain prix en Italie et les revend moins cher en France.
Les loups interloqués par l’ineptie de l’action proposent à l’homme une idée non volatile :
- Bipède, ton copain ne pourrait-il pas passer des caribous en contrebande du Canada ? Comme tu dis si bien : « à l’oreille c’est pratiquement la même chose ». En échange, étant donné que rien n’est gratuit en votre monde, nous t’aiderons à noircir tes feuilles blanches.
L’auteur est dubitatif. Il réfléchit quelques secondes en surveillant les crocs acérés. L’offre est trop alléchante, il accepte.
Scène IV
Une meute de loups chasse une harde de caribous dans le parc du Mercantour.
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