Ma fille ainée a dernièrement franchi le Rubicon. Elle
a prononcé, ornée de ses nouveaux lauriers, sans plagier qui que ce soit, une
célèbre phrase* qui n’est célèbre que depuis qu’elle l’a formulée : Veni,
vidi, vixi.
Elle a terminé la lutte des classes en beauté. Elle a
survolé la maternelle, surfé sur le primaire et a littéralement écrabouillé le secondaire.
Elle en est sortie indemne, du moins d’apparence. La dernière bataille fut mouvementée.
Elle a dû franchir le Rubicon en période de crue. Les crues du Rubicon sont
connues pour leurs violences extrêmes. Téméraire, elle a pris le bac, a vomi
tout ce qu’elle avait ingurgité depuis sa tendre enfance sur les bancs
inconfortables de l’école. Apparemment, elle en avait ingéré une sacrée
quantité qu’elle a revomie dans son intégralité. Car après le passage du bac,
le commandant du navire lui a mentionné que c’était très bien ainsi, mais qu’il
ne la reprendrait plus à bord. Le pauvre a horreur du vomi.
Pour ceux qui n’ont rien compris, je traduis en
français simple. Ma fille je te félicite pour ta réussite au bac S avec mention très bien.
Maintenant je me pavane dans les rues de Beauvais
avec une banderole où est écrit en gros, très très gros :
je suis le père de la fille qui a eu une mention très bien au Bac S .
je suis le père de la fille qui a eu une mention très bien au Bac S .
J’aurais pu être la mère, mais mon opération de
changement de sexe est postérieure à sa naissance.
À partir de dorénavant, je n’adresse la parole qu’aux
personnes bachelières. Les autres je vous méprise. Donc, je vais me mépriser,
car le bac n’a pas voulu de moi. Pourtant j’avais bossé comme une bête. La preuve :
je l’ai raté avec 4 de moyenne.
Ma fille je te félicite encore une fois, et surtout
prends bien soin de toi.
* Jules aurait peut-être dit : Alea jacta est. (Ne pas
confondre avec la marque de fringue)