une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







dimanche 15 décembre 2013

Vive le travail !



Fut un temps où ma jeunesse, mon inconscience, l’absence de gamins, me permettaient de quitter un boulot lorsque je considérais que la compétence du patron ne correspondait pas à mes attentes. Je reconnais que le fait d’écrire cette phrase implique une haute estime de soi. Surtout qu’à l’époque je n’étais qu’un simple stagiaire en quête de savoir. D’ailleurs peu importe, ce comportement m’a permis d’atterrir dans des entreprises aux dirigeants compétents et aimant léguer leur savoir.
Ensuite lorsque je devins capable d’exercer mon métier, j’eus la chance d’être toujours respecter et libre d’appliquer mes compétences à ma convenance. Puis un concours de circonstance aidant, je créais ma propre entreprise où cette fois je dus supporter un patron irascible. La naissance d’enfants et le manque de temps à leur consacrer imposèrent la vente de l’entreprise.
Après quelques années sabbatiques, je réintégrai le monde du travail dans une petite entreprise familiale.
Ça fait un an que j’y suis et je m’arrache les cheveux.
La maxime de l’entreprise est d’une simplicité à faire frissonner une pierre tombale : «  pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer. »
Sincèrement, mon imagination pourtant parfois délirante n’aurait jamais pu concevoir une telle démence. Je n’ai jamais autant travaillé et produit aussi peu. C’est la première fois que je bosse sur autant de projets en même temps et que pratiquement aucun n’aboutisse. J’ignorais jusqu’à maintenant que l’on pouvait bosser constamment dans l’urgence et ne jamais achever sa besogne car elle est remplacée par une autre urgence, qui jaillit comme une giclée de sperme des brumes dictatoriales de la direction. Cette autre urgence  sera évidemment sans conclusion. Si une proposition est faîte par un salarié, elle ne sera jamais prise en considération surtout si elle peut être bénéfique à l’entreprise, à moins qu’elle soit présentée comme une idée insensée.
Le plus incroyable est que cette entreprise est encore viable. Je n’ose pas imaginer ce qu’elle pourrait devenir si la maxime susdite était abandonnée.
Jusqu’à maintenant, je n’avais ni réussi, ni tenter de couper des cheveux en quatre. Ainsi après un an de travail dans cette entreprise j’y arrive presque. Comme quoi, même dans les endroits où le mot compétence est inconnu, il est possible de progresser.

Joyeuses fêtes !



Quoi de neuf ! Les fêtes de fin d’année arrivent au grand galop désuni. J’espère que le prochain virage ne sera pas glissant, sinon elles se vautreront dans le fossé emmêlées  dans un sac de nœuds de guirlandes.
Noël est une princesse qui ne s’exhibe qu’en grande tenue, perchée sur des escarpins à donner le tournis à un premier de cordée. Ainsi nos villes, nos villages, nos maisons s’ornent de couleurs criardes et de Pères Noël en goguette grelottant, pendus à un rebord de fenêtre. De nombreux inconditionnels des féeries de Noël accourent non pas au grand galop, mais à grande vitesse dans leur bolide non décoré. (Les guirlandes sont trop sensibles à la vitesse). Ils viennent admirer et montrer à leur progéniture morveuse les illuminations qui chaque année augmentent en intensité et en mégalomanie.
- Quoi de plus froid qu’une guirlande qui clignote sur un arbre, susurrait un sans-abri à sa sans-abri.
- Que veux-tu, répondit-elle, les décorations ne peuvent être appréciées que par des personnes ayant le ventre plein et disposant d’un toit. Nous, ce qu’il nous faudrait ce serait un braséro sous une tente, et un café bien chaud.
- Je serais plus tenté par un vin chaud.

dimanche 24 novembre 2013

Ma fille chérie



Dans les articles, le seul membre de la famille qui joue au héros est toujours le plus jeune. Les autres ont une fâcheuse tendance à fuir le blog au triple galop. Cela ne dépend pas de leur volonté mais de la mienne.
Oui le plus jeune fait tout pour m’exaspérer. Il aime bien me rappeler que sa naissance est le point de départ d’une vie merveilleuse pour lui et d’un chemin de croix pour votre serviteur.
Je tiens donc aujourd’hui et sur les prochains articles à réparer l’offense que j’ai pu faire à son frère et à ses sœurs. A partir de maintenant, je vous citerai à tour de rôle afin que la justice puisse appliquer l’égalité affective.
La grande sœur qui est aussi mon unique fille ainée n’apparait pas souvent dans mes articles car elle habite dans une région peuplée de normands appelée la Haute Normandie. D’ailleurs la première fois où j’y ai posé le pied, je n’en menais pas large. Le souvenir de sanguinaires marins du nord appelés Normands hantait mon esprit froussard. Finalement ils sont comme nous. Ils ont des autoroutes, des voitures, et en plus ils s’arrêtent aux passages bandés, du moins au Havre.
Donc ma fille vit au milieu de ces guerriers. D’ailleurs elle fricote avec l’un d’eux. Je respecte son choix, de toute façon je n’ai pas mon mot à dire. J’ai trop peur que les gênes Normands qui dorment en lui se réveillent et que sous l’effet de la colère ils me jettent par-dessus la falaise.
Que dire d’autre. Elle est pensionnaire dans un couvent où elle reçoit un enseignement la préparant à être une parfaite femme d’agriculteur. Elle apprend ainsi à faire la différence entre une vache et une carotte, à dépolluer son homme recouvert de pesticide, à traire les cochons, à garder les patates et à gratter les routes lors des betteraves.
Ainsi cette année est sa dernière année d’études secondaires. À la fin de l’année elle passera un examen qui lui permettra d’épouser un agriculteur. Plus sa mention à l’examen sera élevée, plus le promis aura d’hectares et moins de bêtes. Le nom de l’examen est BAC.S qui en non abrégé peut se traduire ainsi : bonne agricultrice confirmée option soumise.
J’espère pour elle qu’elle obtiendra une mention, car d’après mes sources qui ne sont pas aqueuses mais à base de calva, lorsque le bac est obtenu de justesse, le promis vit dans une masure avec l’eau courante au puits et les toilettes sur le tas de fumier. T’inquiète pas ma fille, si jamais tu n’avais pas de mention, je t’offrirai le papier toilette parfumé dans le but de te rendre la vie plus agréable.
Théoriquement, tu viens nous rendre visite la semaine prochaine. Pourrais-tu demander à ton homme de laisser sa massue chez lui ? J’en ai marre qu’il me prenne pour son mannequin d’entrainement.

PS : on vient de me signaler que les patates ne se gardent pas. Je rectifie l’erreur, je voulais dire l’ensilage.

Allergies



Mon plus jeune fils est allergique à l’écriture. Dès qu’une pulsion d’écrire tiraille les deux neurones qui me reste, il se réveille. Si je n’écris pas, je peux me lever durant un mois à des heures matinales sans qu’il réagisse. Si une violente envie me saisit l’arrière train, oui j’ai tendance à réfléchir avec ce qui me sert de fondement intellectuel, une éruption spontanée de boutons recouvre son corps. Ils sont aussi nombreux que les poils d’un ours polaire. Evidemment une démangeaison accompagne l’éruption et le pauvre se réveille en appelant sa mère qui s’empresse de se nicher contre lui ; il y a longtemps que j’ai été éjecté du lit conjugal. Dès qu’une pulsion de ne plus écrire déconnecte les derniers neurones, les boutons disparaissent aussi vite que mes érections de quinquagénaire.
Que faire ?
Nous avons consulté les plus grands spécialistes qui n’ont rien de grand à part leur portefeuille qui se gonfle à chaque consultation. D’après leur immense savoir inaccessible au commun des mortels, notre fils souffrirait de troubles associatifs calligraphiques obsessionnels  compulsifs et d’une névrose post-partum issue d’une fusion avec la couveuse qui a tenté de nous le ravir. Nous avons détruit la couveuse et recouvert notre bien. Depuis cette action violente, sa mère le couve au sens littéral du terme. Toutes les nuits elle s’allonge sur lui afin qu’il ne prenne pas froid. Je l’ai même surprise en train de lui donner la becquet pendant que je lui ramenais des vers de terre.
Les consultations n’ont eu aucune conséquence sur l’allergie de notre enfant, par contre mon compte en banque est devenu aussi plat que l’altruisme chez les financiers. Après  une errance dans le monde de la pédopsychiatrie nous avons changé notre fusil d’épaule en vérifiant bien qu’il n’était pas chargé.
Nous avons donc consulté dans le 18ème arrondissement de Paris un marabout que nous avait conseillé une grande tante par alliance. Après avoir sacrifié une poule, trois mouches tsé-tsé et un politicien véreux, nous eûmes enfin un diagnostic accompagné d’un espoir de guérison :
La réaction de mon fils est sa façon de communiquer. Ne possédant pas le langage, et le langage n’est pas prêt de le posséder, il est obligé d’user de moyens complexes pour nous transmettre ses sensations et ses analyses.
D’après le marabout, mon fils considère que j’écris aussi bien qu’une patate douce et qu’afin de préserver mon équilibre psychique, il préfèrerait que je cesse avant qu’une personne me crache la vérité en pleine gueule.
Depuis ce jour, j’ai une indigestion due à l’ingestion du sacrifice. Le politicien m’est resté sur l’estomac.

Bonnet rouge



Le moral est au ras des pâquerettes. Surtout qu’en cette saison, les pâquerettes sont sous terre bien au chaud.
 Aujourd’hui j’ai ôté mon bonnet qui protégeait mon crane dégarni des froids automnales. Je l’ai déposé soigneusement sur son plat dans une boite à chaussures. Une boule de bois parfumée l’accompagne pour éviter une invasion miteuse. J’y aurais bien ajouté une paire de mitaines, mais je n’en avais pas. Une bande auto collante clos hermétiquement la boite. La boite a rejoint les nombreuses reliques de ma vie passée sises en haut de l’armoire Louis XV mâtinée Pompadour. Le bonnet côtoie ainsi les premiers poils pubiens, une dent de lait, la première éjaculation, deux enfants morts nés flottant dans du formol, un  33 tour de Dalida, la dernière éjaculation, le péroné d’un ancêtre, les rognures d’ongles de partenaires féminins et masculins…
Le moral est au ras des pâquerettes car les températures sont basses et ma tête est exposée au froid glacial ; mon bonnet est lui bien au chaud blotti contre les seins de la Pompadour. Pourquoi ranger un bonnet alors qu’il est impératif d’en porter un ?
Car à mon plus grand malheur la couleur du bonnet est la même que celle d’un groupuscule d’irréductibles bretons. Mon égoïsme et ma liberté de penser acceptent difficilement des remarques genre : t’as détruit un portique !!
Déjà que j’avais un peu de mal avec les allusions au commandant Cousteau, alors être apparenté à un mouvement qui déjà non content de créer une pollution au nitrate, désirent égoïstement que la terre ressemble à une boule de fumée m’escagasse au plus haut point.
Qu’ils soient mécontents, soit. Alors qu’ils fassent la révolution avec un bonnet incolore et qu’ils s’attaquent au véritable acteur de la crise économique : le monde irrationnel du profit.
Maintenant, afin de protéger la tête du vent glacial, je suis obligé de porter un préservatif retourné et fourré avec des implants mammaires PIP récupérés dans les poubelles d’un hôpital.