une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







mercredi 16 novembre 2011

La pensée des feuilles en automne.

Stop ! Sortons de l’actualité. Arrêtons de rabâcher constamment la même rengaine, de réitérer des répétitions. Devisons sur des sujets qui font rêver et qui n’intéressent personne. Des thèmes autres que la politique, l’économie, la famille, les enfants, les loisirs, le boulot, les injustices sociales, le sexe, le fric…
Des sujets qui n’existent pas, des sujets sans queue ni tête, des sujets avec trois queues et cinq têtes :

La pensée des feuilles en automne.

 Voici un sujet intéressant à traiter. Cependant le narrateur doit à tout prix éviter le piège de l’anthropomorphisme. Il ne devient pas feuille, il est feuille. Il ne pense pas humain, il pense feuille.
Y a-t-il une naissance et une mort ? Evidemment, la feuille est issue d’un bourgeon et lorsqu’elle tombe de l’arbre, elle meurt : les feuilles mortes de l’automne. L’homme dans sa vision restreinte de la nature des choses n’aperçoit la vie qu’entre la naissance et la mort.  
La narration débute, le sujet s’échappe déjà de sa trajectoire initiale. Comme s’il tentait de fuir la fin inéluctable qui l’attend : la mort.
Après quelques heures de travail, le sujet est de nouveau sur les rails de la raison. Il s’approche à pas de velours de la pensée des feuilles en automne. L’automne est là, les arbres altiers dressent leur tronc vidé de leurs pièces vers la voute brumeuse. Bernadette ramasse quelques pièces jaunes abandonnées par les bucherons au milieu des pensées. Les feuilles tapissent le sol détrempé par la serpillère de Tlaloc. Elles entourent les pensées tout en protégeant les leurs. Dans la clairière, une biche mâche un brin d’herbe génétiquement modifié. Sous l’action de son pied, la porte de l’orée s’ouvre en grinçant, abandonnant quelques clous rouillés. L’ouverture crée une bourrasque. Elle arrache les feuilles tardives et les projette dans les airs. Elle joue dans les hauts bois, s’attaque aux feuilles persistantes, et cède devant le charme de quelques arbres.
Un homme semblable à un hêtre hume maints relents dégazés par un blaireau en manque de blé barbu. L’homme barge rame, franchit difficilement le marais à marée basse. Il n’a plus toute sa tête, il a été écimé par de nombreux sortilèges jaillis des ronds de sorcières. Sa quête est fort simple : quelques feuilles à glisser entre les pages d’un livre. Dans le panier en osier sur une livre de cèpes,  les feuilles sont posées délicatement afin de protéger les champignons de l’humidité.

L’anthropomorphisme stipulerait que les feuilles en automne ne pensent pas. La feuille susurrerait : les pensées s’effeuillent sous le doigt gourmet du lecteur.

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