Assis face à l’ordinateur, il tapait son texte
quotidien sans se désunir. Il avait essayé dans le passé de pianoter en
tournant le dos à l’écran. Après maints essais, il avait cessé ; sa
production n’avait été que du charabia. Même son plus jeune fils, pas encore
scolarisé, n’arrivait à pas à le déchiffrer.
Ses pages journalières étaient imposées par lui. Il
était indissociable de lui. Pourtant plus d’une fois, il avait tenté de
divorcer de ce personnage si fusionnel. Il ne supportait pas la solitude et
adorait les histoires écrites par lui.
Sa maman pour le consoler de son esclavage lui
donnait le sein. Le lait n’était plus de première fraicheur, il se rapprochait
plus d’un camembert ayant acquis la marche. Il était suffisant et avait un
effet dopant.
Après la tétée, il travaillait à son texte sous
l’œil vigilant du père qui n’acceptait pas que son fils de 55 ans tête sa
femme, alors que lui n’avait plus que son imagination et ses meilleurs
souvenirs.
La femme de l’auteur était à dix lieues de se douter
du dur labeur de son homme et du dopage au lait cru. Elle était en analyse
depuis plusieurs années chez son psy. Son cas était si extrême, que son psy lui
avait ordonné de consulter nuit et jour. Malgré les soins intensifs, elle était
toujours fragile. Cependant, ils avaient eu des effets désirables pour elle. De
ses consultations étaient nés trois beaux bébés.
L’auteur ignorait la naissance des enfants. Le
spécialiste aimablement lui avait demandé d’éviter les visites afin de
préserver l’équilibre encore précaire de sa femme. Cela ne le tracassait pas.
Il avait les seins de sa mère qui compensait toutes les infortunes de la vie.
Il savait que sa mère bien plus âgée que lui
partirait en premier. Malheureux, il avait été consulté l’homme de Dieu. Ce
dernier l’avait rassuré :
- Nous avons le même âge, nous sommes tous les deux
en bonne santé. Ainsi lorsque votre moral faiblira, vous viendrez à moi, je
vous donnerai de quoi vous détendre.
Il était toujours face à l’ordinateur. Il avait
terminé sa page d’écriture. Il ne se relisait jamais. Il était amnésique et
n’avait aucun souvenir du texte qu’il venait d’écrire. Lui égoïste, ne lui
racontait jamais.
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