Aujourd’hui vous ne lirez pas l’article d’hier concocté
aux petits oignons. Il m’est impossible de vous servir un plat sans sa pointe
de sel. La cuisine en est vide. J’ai retourné tous les placards, aucun grain de
sel n’a daigné se montrer. Par contre la vaisselle, ivre de liberté, s’est
fracassée sur le sol.
L’article est resté sans chute. Il est suspendu dans
les airs et refuse de descendre. J’ai tout vérifié, la présence d’un parachute,
d’un élastique, de la main de Dieu, de la gravité. Il n’y a rien qui entrave la
liberté de la chute.
Où sont passées les chutes ?
Pourtant les chutes ne sont pas une espèce en voie
d’extinction. Des chutes il y en a à tous les coins de rue. Juste à côté de
moi, j’aperçois la chute du toit. Elle reste inflexible à mes doléances et
refuse de coopérer.
La chute de l’empire romain aimerait participer. Cependant,
depuis la chute d’Alésia je développe une urticaire à chaque énoncé de ce nom.
Un cheval, mon voisin de palier me propose de créer ma
propre chute. Je le déçois en refusant. Servir de projectile n’est pas ma
passion première.
Boris Vian du haut de son ectoplasme désire m’aider.
J’en suis ravi. Cependant en tant que torchon, je refuse de le souiller.
Jean Paul Sartre m’écrit une chute, je n’arrive pas
à la déchiffrer.
Claude François tout bouillonnant m’électrise.
Une feuille, pas encore bronzée par un soleil égaré
dans le nord de la France, me propose d’attendre l’automne.
Une chute de pierre m’assomme.
Malgré toutes ces sollicitations, je n’ai toujours
pas de chute. Et maintenant il me manque deux chutes, une pour le texte qui
n’est pas encore affiché à l’écran et pour celui d’aujourd’hui qui est sous vos
yeux. Je peste à haute voix.
Ma femme me
réprimande :
-Chut ! Les enfants dorment.
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