Je suis en colère après mon plus jeune fils. Je
viens de m’apercevoir que le texte, concocté hier, a perdu plusieurs phrases. Comme une andouille, je ne l’avais pas sauvegardé sur
une clé.
Il est attiré par les ordinateurs comme un moucheron
par une bougie. À la différence qu’il ne se brûle ni les ailes, ni les doigts.
Des quatre gamins, c’est le seul qui a la notion de l’éphémère. Le « non »
a une durée de vie proche de la micro seconde. Il ne conçoit pas l’éternité
dans les interdits. D’ailleurs chez lui, l’interdit est une notion toute
relative. Une chose n’est jamais interdite, elle est juste temporairement
inaccessible.
Mes autres enfants ont toujours respecté, dès leur
plus jeune âge, les interdits que je leur imposais. Avec plus ou moins de
réticence, ils finissaient par plier sous les coups de chambrière qui perlaient
leur dos d’une douce rosée.
Ne l’accablons pas, il n’a pas la parole pour se
défendre et justifier ses actes. A son corps défendant, son père a l’âge des
grands pères des autres familles. Il perd ses dents et même son dentier. De la salive
sèche reste constamment collée à la commissure des lèvres, son élocution est
hésitante et chevrotante, sa démarche est saccadée et instable, les coups de
fouet ont perdu de leur vigueur et de leur précision. Il est dans l’incapacité
d’apporter une éducation sereine et juste.
Evidemment sa mère tente de palier le handicap du
père. Le temps l’empêche d’être constamment au sommet de ses compétences, non à
cause du vertige, mais à cause des couches. Changer le gamin demande un temps
certain, mais changer le père est plus long. J’avais oublié de préciser que
j’étais aussi incontinent.
D’après les dernières informations qui m’ont été
criées dans l’oreille, cela devrait s’arranger. D’après le psy, il suffirait de
placer le père dans un hospice, afin que le fils puisse s’affranchir de la
présence d’un père crachotant et gâteux. Toujours d’après le pédopsychiatre,
ses actions apparemment non contrôlées seraient seulement une adaptation
comportementale à l’image du père légèrement fanée. Il chercherait à compenser ses
faiblesses.
D’après l’illustre spécialiste, lorsqu’il prend mon
PC pour une enclume, c’est juste pour m’aider.
En éliminant
la cause, on élimine le problème.
Heureusement que l’euthanasie n’est pas légalisée
car je passerais à la casserole.
Ce matin, mon fils, tu as été ma muse. Sans tes
bêtises qui ont irriguées mon cerveau, mon imagination serait restée aussi
sèche que le quatre quart de ma tante Germaine (celle qui piquait).
Monsieur,
RépondreSupprimerLes aspects physiques (dentition, humeurs des muqueuses, chevrotements, tremblements), les pensées que vous décrivez, certes avec talent, sont les miens. Je vous accuse de plagiat intellectuel. Envoyez-moi vos témoins. Je vous laisse le choix des armes.
Monsieur,
RépondreSupprimerPardon de vous avoir offensé. Nez en moins, je n’ai fait que décrire mon reflet. J’admets, à plus grande honte, de l’avoir légèrement embelli. J’accepte le duel. Mes deux témoins seront Patrick Poivre d'Arvor et Gilles Bernheim. Pour les armes, je vous propose la plume sergent major.
Au plaisir de vous biffer.
Bravo ! vous reconnaissez votre filiation. Vos témoins sont à la hauteur. Oh mon dieu !
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