une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







jeudi 2 mai 2013

Muguet



1er Mai jour de la fête du travail et jour du muguet. Le muguet est une fleur porte bonheur, il porte  bonheur à la personne qui le donne. Celle qui le reçoit devrait se méfier, car la plante est toxiques, très toxique. Si vous voulez vous débarrasser de votre belle-mère, du mari de votre maîtresse, de la chienne de votre voisin, de la maîtresse de votre mari, n’hésitez pas. Offrez un beau bouquet de muguets et proposez-leur d’en faire une infusion, en prétextant que cela porte bonheur. Vous préciserez que les romains étaient coutumiers du fait, et cela leur aurait réussi. Vous prendrez l’exemple de l’expansion de l’empire romain pendant plusieurs siècles.
 La tisane de muguet appartient à la famille du bouillon de onze heures.
Le muguet en vente libre sans aucun contrôle sanitaire !?! Quand je pense que je suis obligé de planquer mes plantations bios de marijuana. Tous les revendeurs de muguet devraient être considérés comme des meurtriers en puissance. Laisser de tels criminels en liberté est inadmissible, que font les pouvoirs publics ? D’accord je reconnais, je suis le fournisseur de l’Assemblée Nationale et de quelques ministères en herbe bio. Elle est tellement bonne qu’elle doit enjoliver le monde qui les entoure et leur dérober les véritables problèmes du peuple.
J’ai attendu cinquante-cinq ans pour apprendre que le muguet que j’oubliais d’offrir tous les ans était un poison. Je l’ai découvert aujourd’hui, non par Bernadette Soubirous, mais en cherchant de la matière pour construire mon article.
Gamin, j’en ai même vendu. J’étais déjà un terroriste en herbe. Peut-être que les brins que j’ai vendus ont occis quelques personnes. Je suis probablement passible de la peine de mort. Si, si à l’époque, les têtes ne tenaient pas aussi bien que maintenant, parfois elles tombaient, aidées par un engin qui s’appelait la guillotine. J’ai téléphoné à mon avocat. Il était indisponible, d’après sa femme, il aurait par mégarde confondu de la ciboulette avec du muguet. Cependant, elle m’a rassuré en m’apprenant qu’il y avait prescription.
 Je ne passerai la journée en attendant que des meurtriers en liberté vendent du poison à de nombreux passants innocents. J’enfourche mon vélo, enfile un voile et une barbe postiche, afin de passer pour un islamiste intégriste. Je descends en ville et m’attaque à tous les stands de revendeurs en les culbutant. J’en ai culbuté une dizaine lorsque la police municipale vient me prêter main forte. Non, la garce, elle m’interpelle. Moi, le défenseur des faibles et des futurs empoisonnés. Je suis dans une cellule de dégrisement.
J’explique mon cas. Ils ont un peu de mal à me croire. Cependant après un appel au centre antipoison, ils acceptent de me relâcher avec une convocation chez un juge pour vandalisme sur la voie publique et incitation à la haine raciale. J’espère que mon avocat sera remis sur pieds.

J’entre chez moi. Ma femme adorable m’accueille avec son éternel sourire auréolé de bonheur.
- Mon amour, dit-elle, je t’ai préparé une tisane de muguet. Elle t’ensorcèlera et apportera encore plus d’amour de ma part. Je t’aime mon chéri.
La douche froide ! Ma femme me propose le bouillon de onze heures ! J’hésite et ne dis rien. Elle serait trop triste si elle savait que je sais. Si je refusais, elle pourrait penser que je la prends pour une meurtrière. Et je ne supporte pas cette idée.
- Mon petit ilot des iles Kerguelen, je suis trop heureux. Que tu m’aimes encore plus est mon plus grand désir.
Je prends le bol, elle a forcé la dose, le liquide est marron foncé. Combien de bouquets a-t-elle pu y mettre ? C’est drôle le genre de question qui naissent dans un moment aussi important. Sans hésiter afin qu’elle ne me soupçonne pas, j’avale d’un trait le contenu. Elle a vraiment forcé la dose. La consistance est tellement épaisse que j’ai l’impression de boire un gruau de flocons d’avoine.
Rapidement les premiers symptômes apparaissent. Je vomis. Ma femme me rassure :
- Ce n’est rien, c’est juste les mauvaises ondes qui s’échappent.
Je commence à perdre conscience, j’entends une dernière fois la voix de ma douce femme :
- Tu vois mon fils, la résolution de l’œdipe est aisé lorsque les bonnes méthodes sont employées.

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