une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







mercredi 1 juin 2016

Paranoïa



Dans la famille nous ne sommes pas paranos, mais tout le monde nous en veut. En remontant l’arbre généalogique qui est composé en majorité de branches mortes, je constate que les membres de la famille n’ont jamais été  paranoïaque.
Mon arrière-grand-mère de la branche maternelle a été retrouvée morte en pleine campagne en chemise de nuit. D’après le médecin dont la lucidité dépendait de la dose d’absinthe dans le corps constata une mort due à un arrêt du cœur.  D’après les dires de mon grand- père qui vivait cloitré dans une cave avec comme seule compagnie un fusil de chasse,  ma trisaïeule aurait été poursuivie par une horde d’ennemis.
Mon grand-père du côté de la branche paternelle n’était pas paranoïaque. A la fin de la guerre de 1940, il acheta un blockhaus allemand dans le pays de Caux. D’après lui,  c’était le seul endroit où il se sentait en sécurité.  Je me souviens encore d’un coup de fil qu’il passa à mon père dans les années soixante-dix. Il nous appelait car il avait égaré ses clés, et il ne pouvait plus sortir de chez lui. Mon père qui avait l’instinct de survie, et qui l’a toujours, n’a pas bougé d’un pouce. Une porte de blockhaus ne s’ouvre qu’à la dynamite, et d’après mon père l’entrée était piégée. Nous n’eûmes plus de nouvelles de mon grand-père. Dernièrement, lors de ma formation à Fécamp, j’ai appris que sa dernière demeure était tombée à la mer avec un pan de la falaise. Mon grand-père est surement encore à l’intérieur.
Ma grand-mère de la branche maternelle était  lucide. Elle avait un sixième sens qui lui permettait de détecter ses poursuivants : elle marchait à reculons. Elle est morte,  jeune, fauchée par un cheval de trait.
Mon grand oncle de la branche paternelle était paranoïaque. Pourtant il vivait comme tout un chacun. Il était immensément riche, roulait en Bugatti et participait à toutes les sauteries parisiennes. Il a été assassiné par un Juif israélite. Il avait fait fortune en revendant les biens des juifs qu’il avait dénoncés pendant la guerre de 1940. Aux dernières nouvelles de mon frère qui est aussi une branche morte, mon grand-oncle serait persécuté en enfer par ses anciennes victimes.
Mon père qui est  perché sur une branche vivante refuse d’en descendre.
Il n’y a que moi qui suis sain d’esprit et de corps. D’ailleurs afin d’en être certain je me fais suivre par un détective afin d’être sûr de ne pas être suivi. Et je fais suivre ce détective par un autre au cas où. Je me fais suivre aussi par un psychiatre. Ce qui fait trois personnes qui me suivent.
J’en peux plus.

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