une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







dimanche 30 juin 2013

La véritable histoire de Cendrillon




Il était une fois, il y a très longtemps. C’était au temps des dragons et des châteaux. Dans un grand château qui était très très grand, vivait un prince qui d’après les rumeurs était très beau. Le château était très beau et très bien entretenu, tout brillait, tout étincelait. Les petits oiseaux qui pépiaient dans le parc s’écrasaient de temps à autre sur les carreaux des fenêtres transparentes de propreté. Dès qu’un impact avait lieu, une femme de ménage surgissait aussitôt afin de nettoyer la trace de sang laissé par le pauvre moineau. Au même moment, un larbin jaillissait d’une porte de service et récupérait le cadavre avec une pelle et une balayette et le balançait dans la première poubelle venue.
La propreté avait exterminé tous les acariens ainsi que les blattes et autres petites bestioles qui aiment bien se réfugier dans les châteaux des princes. Le château était si propre qu’aucune espèce animale n’arrivait à survivre. Même les chats préféraient fuir cet endroit si propre où les souris étaient un lointain souvenir et, où les griffes n’arrivaient plus à pénétrer les épaisses couches de vernis.
Le prince dans cet univers nickèle était presque heureux. Il aimait se promener avec des chaussures à semelle en caoutchouc afin de ne pas glisser sur les parquets cirés. Une femme le suivait en patin pour effacer les traces qu’il aurait pu laisser. Cependant une pointe de mélancolie titillait son bonheur. Elle était due à l’importance des charges sociales qu’il reversait tous les ans à l’état. Son nombreux personnel d’entretien lui coutait la peau des fesses. Bien qu’il eût des actions dans les épices, son train de ménage le ruinait petit à petit. Cependant, la moindre poussière qui flottait dans un rayon de soleil, le moindre brin d’herbe qui dépassait, le poil qui s’agitait sur la poignée de la baie vitrée, le déprimait encore plus.
Il aurait pu revendre le château et s’acheter une petite maison aisée à entretenir. Mais il était un prince, et les princes comme dans tous les contes vivent dans un château.
Le prince ne savait que faire. Il était doué pour la guerre, pour festoyer, pour ne rien faire, mais ne savait pas gérer des problèmes existentiels. Donc plus le temps passait, plus sa mélancolie prenait de l’ampleur et plus il se morfondait.
Heureusement, les princes ont de la chance. Cette chance prit l’apparence d’une tante fée acariâtre, n’y voyez aucun rapport avec les acariens. Cette tante adorait son filleul. Elle lui ordonna d’organiser un bal. Le prince sceptique mais obéissant n’osa pas la contrarier. Pourtant il aurait aimé. L’organisation d’un bal est une source de désordre et de salissure en tout genre qu’il faudra nettoyer.
Le jour du bal arriva. Une cohorte d’invités envahit le château après être passé dans un sas de décontamination et un autre de stérilisation. Aucun morpion ne survivra. Le prince comme dans tous les contes de fée dansa enfin avec une femme charmante, d’après les rumeurs. Cette future princesse qui se prénommait Cendrillon lui raconta ses déboires esclavagistes de femme de ménage imposés par sa belle-mère acariâtre allergique aux acariens. Le prince tomba aussitôt amoureux de la femme qui ne sommeillait pas en elle. S’il l’épousait, il pourrait licencier son personnel et ainsi vivre sans soucis. Malheureusement au dixième coup de minuit la princesse s’enfuit en abandonnant un chausson de verre. Le prince réagit mal à l’abandon du chausson ; le désordre l’insupportait. Puis sous les conseils avisés de la fée, il rechercha Cendrillon qu’il finit par retrouver.
Ils se marièrent dans l’intimité la plus intime pour éviter le désordre et eurent de nombreux enfants.
Cendrillon fidèle à sa réputation récura tous les jours le château à la grande joie du prince. Il licencia son personnel et sa mélancolie disparut. Mais un matin de printemps, Cendrillon fut témoin d’un accident : un moineau percuta une fenêtre. Cendrillon se sentit responsable du décès du moineau. Elle cessa immédiatement son activité décapante et le château devint un refuge pour animaux. Du jour au lendemain le château se mua en un château qui se respecte, avec ses toiles d’araignée, ses souris, ses rats, ses chiens, ses puces, ses blattes, ses acariens et de nombreux mômes qui égayaient les sombres oubliettes. Le prince ne survécut pas. Il fut emporté par une allergie aigue aux acariens, même sa tante acariâtre fut impuissante.

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