une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







mardi 9 avril 2013

Il était une fois



Il était une fois, il y a très longtemps, c’était hier soir. Une petite fille qui se prénomme Louise ne veut pas s’endormir sans son histoire. Le problème est que le papa ne trouve pas d’histoire. Elles ont toutes disparu.
Elles se sont toutes sauvées des livres. Des retardataires profitent que le papa ouvre un livre, pour s’échapper en laissant derrière elles un nuage multicolore.
Le papa qui aime sa fille ne baisse pas les bras aussi facilement. Il se dit :
- Ce n’est pas grave, je vais en inventer une !
Il a beau fouiller dans sa tête, il la secoue même très fort pour la dépoussiérer, rien à faire, aucune histoire ne tombe. Il essaye de chercher dans sa mémoire les histoires que lui racontaient ses parents quand il était un jeune garçon. Il en trouve une cachée derrière un devoir d’école. Tout content, il commence son histoire :
- Il était une fois…
L’histoire se débat et s’enfuit.
Le papa, désolé, dit à sa fille :
- Ce soir il n’y aura pas d’histoire, je n’en trouve pas.
Louise trop triste, pleure. Ce n’est pas un caprice. Elle aime juste ce moment privilégié où son père la berce de sa voix.
Le papa est tout retourné, il ne supporte pas de voir sa fille pleurer. Il réfléchit puis dit à sa fille :
- Nous n’avons pas le choix, nous devons à tout prix retrouver une histoire. Lève-toi, nous allons à la chasse aux histoires.
La petite fille pleure encore plus :
- Papa je ne veux pas tuer des histoires, je les aime trop.
Son papa lui explique que le mot chasse a un très petit côté gentil, et c’est celui-là qu’ils vont utiliser.
Louise donne la main à son papa et tous les deux sortent de la chambre et se retrouvent dans une grande forêt qui borde une grande plage de sable où des vagues viennent lécher des galets comme des boules de glace à la vanille.
La nuit, le monde change de forme. La journée, à la place de la forêt, se trouve un couloir.
Louise a un petit peu peur, mais la main forte et chaude de son papa la rassure. Ils marchent sur un sol chaud et souple. Les pieds nus de Louise sont heureux. Ils ont l’impression d’être sur un trampoline recouvert de mousse. Les arbres sont de toutes les couleurs et des étoiles jouent avec les feuilles.  Son père se dirige vers la plage. Louise le suit toute émerveillée et toujours un peu craintive. Elle sait que le Père noël existe, mais qu’une forêt prenne la place d’un couloir, c’est un peu bizarre.
Ils arrivent sur la plage. Le sable leur dit bonjour et leur souhaite de bonnes vacances. Le papa répond poliment :
- Nous ne sommes pas en vacances, nous sommes à la recherche d’histoires.
Le sable se fripe eu peu en disant :
- Je ne veux pas d’histoire.
Et il se tait.
Le papa et Louise, toujours accrochée à sa main, se rapprochent de la mer. Ils aperçoivent le long de l’eau des parasols. Sous les parasols, de nombreuses formes de toutes les couleurs se reposent, d’autres font des constructions en sable défiant les lois de la gravité. Louise est émerveillée. Il y a des châteaux de princesses, des châteaux forts, des sculptures de toutes sortes.
 Louise se frotte les yeux. Elle croit rêver. Tout autour d’elle des centaines d’êtres, jouent, se baignent dorment, chahutent.
Au travers du spectacle, elle entend son père crier :
- Allons-nous en, ici nous sommes en danger. Je crois que nous sommes entourés de monstres.
Louise connaît bien son père, c’est un adulte, et les adultes ne voient pas les évidences. Son père ne croit pas au père Noël. Il ne voit pas les monstres qui viennent de temps à autre l’embêter la nuit. Et là, alors qu’ils sont entourés de gentilles histoires, lui y voit des monstres. Et dire qu’un jour elle sera comme lui. Elle se promet de garder dans sa tête toute sa vie un petit coin où elle aura toujours le même âge.
- Papa, n’aie pas peur !! Ce sont des histoires, des tas d’histoires qui jouent. Papa grâce à toi, je vais avoir mon histoire ce soir. Papa ! Attrape-moi une histoire s’il te plait.
Son père avale difficilement la boule de peur qui est coincée dans sa gorge. Réconforté par la main de sa fille, il retrouve un peu d’énergie. Il tend le bras et prend une histoire qui se reposait à l’abri du soleil sous un parasol. Les histoires comme les hommes se protègent du soleil quand il est haut dans le ciel et trop chaud.
L’histoire réveillée subitement se tortille dans la main du papa et balbutie :
- Relâchez-moi, pourquoi m’attrapez-vous ? Je n’ai rien fait.
Le papa est ennuyé, sa fille veut une histoire, et l’histoire ne  veut pas de lui. Sa fille vient une nouvelle fois à son secours.
- Laisse-la papa !
Le papa la libère. L’histoire ne s’enfuit pas. Au contraire elle engage la conversation.
- Que me voulez-vous ?
C’est le papa qui répond, sa fille invitée par d’autres histoires, est partie jouer dans l’eau.
- Excusez-moi, mais je suis à la recherche d’une histoire pour endormir ma fille. Alors si vous vouliez bien venir avec moi.
- Je suis désolée, mais je suis en vacances ainsi que toutes mes camarades. Nous sommes fatiguées, usées. Nous servons tout le temps, tous les jours, alors nous avons décidé de nous reposer et de nous amuser.
Le papa est inquiet, s’il revient sans histoire, sa fille ne pourra pas s’endormir. Il fait part de son angoisse à l’histoire.
- Ne vous inquiétez pas ? Regardez votre fille comme elle s’amuse.
Le papa regarde sa fille. Elle est sur la mer avec des histoires de toutes les formes. Il la voit sur un bateau de pirate, une pirogue d’explorateur, à cheval sur un dauphin…
Louise s’éclate comme une enfant de cinq ans qui se retrouverait lâchée dans un parc aventure adapté aux enfants de son âge. Elle surfe sur les vagues, devient une princesse, puis une pirate, puis une maitresse d’école …
L’histoire reprend la conversation.
- De toute façon, vous êtes dans une histoire. Lorsque nous partons, nous laissons quelques histoires qui nous remplacent. Seulement elles n’ont pas notre expérience et quelquefois, elles mélangent le réel avec le rêve. D’ailleurs votre fille s’est endormie, et ce que vous voyez sur la plage est un de ses rêves. Je vous souhaite une bonne nuit le Papa.
Le papa est de nouveau dans la chambre, et sa fille dort en serrant son doudou contre elle.

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