Monsieur, je
vous écris afin d'avoir plus de renseignement sur une passion qui me tient à
cœur. Voilà, je suis un révolté. Je sais que cela n'a rien d'extraordinaire,
mais c'est suffisant pour influer sur ma philosophie de la vie et de modifier mon
comportement social. J'aimerai marquer d'une pierre blanche mon désaccord.
Cependant, j'ignore de quelle façon m'y prendre. En bref, j’aimerais tout faire
sauter. D'ailleurs c'est la raison d'être de cette correspondance.
Le maniement
des armes ainsi que la fabrication artisanale d'une bombe sont pour moi aussi
aisé que le babillage chez le nouveau-né. Vous devez vous demandez
pourquoi je vous écris alors que je possède toute les qualités d'un terroriste.
J'ai toute les qualités théoriques. Seule, une est absente de cette panoplie, le
désir de tuer. J'ai une sainte horreur de la souffrance, qu'elle soit d'origine
divine ou humaine, elle m'arrache les tripes. La vue du sang m'indispose et je
suis incapable de faire le mal et du mal à qui que ce soit, même aux animaux et
aux insectes. Afin que vous compreniez mieux la gravité de mon cas, je
vous narre un drame vécu.
Un jour,
j'ai ramené des poux à la maison. Ma mère et mon père issu d'un milieu pratiquant
ont pensé que c'était un châtiment divin. Paniqués, ils m'ont aussitôt appliqué
une lotion qui a exterminé tous les poux. Bande d’enculés !!! Je n'ai
jamais été aussi malheureux. La mort des poux m'a été insupportable. Grâce à un
peigne fin, j’ai réussi à récupérer quelques cadavres que j'ai enterrés dans
le pot de géraniums suspendu au balcon. J'ai encore la
violence de ce moment en mémoire.
J’espère
maintenant que vous comprenez mon incapacité à commettre un attentat meurtrier.
Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir cherché. Cependant un endroit dépourvu de
vie sur terre est inexistant, peut-être le pôle sud, et encore ce n’est pas
prouvé. De toutes les façons je n’ai pas les moyens de m’offrir un tel voyage.
Je vous en prie, aidez-moi. J’ai besoin d’une main tendue, j’ai besoin qu’elle
m’oriente vers un attentat où aucune goutte de sang ne perle. En l'attente de
votre réponse. Magnez-vous le train, je veux tout faire péter, ça urge.
J’ai bien
reçu votre message. J’avoue que votre démarche au premier abord m’a surpris et
hérissé les poils du dos. Par nature, je suis un non violent. Donc le mot
attentat est pour moi rédhibitoire. Puis, par curiosité, au lieu de cliquer
sur "tout effacer", j’ai prolongé la lecture. Et j’ai découvert une
nouvelle race de terroristes, des terroristes doux. Je comprends votre
désarroi. Car votre allergie à la violence est contraire au fondement même du
terrorisme.
J’ai passé
la nuit à réfléchir à votre requête et je pense
avoir déterminé un moyen qui vous permettrait d’assumer vos idéaux.
C’est vous même qui m’avez aiguillé avec votre anecdote. Vous déteniez la
solution, mais votre conscient, je ne sais pour quelle raison refusait de la
voir.
Je vous sens
impatient de connaître la suite, alors je n’irais pas par quatre chemins. Vous
utiliserez les poux. Ainsi vous vengerez ceux qui sont tombés sous la main
impitoyable de vos parents, et en parallèle vous aurez votre attentat.
Première
étape : trouver des poux. Cela ne sera pas difficile, et je vous
aiderai ; mes enfants sont de grands pourvoyeurs de poux. J’ai moi-même
tenté un élevage.
Deuxième
étape : trouver un lieu surplombant une foule compacte dans le
genre : théâtre, opéra. L’assemblée nationale serait l’idéale, mais
l’absentéisme chronique rendrait la tâche ardue. J’éviterai les stades et autre
manifestations sportives, à moins de de viser les loges réservées à l’élite,
car le peuple en général a ses propres
poux.
Troisième
étapes : il suffira de parachuter une quantité de poux porteurs d’œufs.
Ses derniers attirés par la kératine feront le reste du travail. En répétant
plusieurs fois ces actions, vous parasiterez la tête pensante du pays.
Vous n’aurez
plus qu’à revendiquer l’attentat.
Je vous
abandonne, je dois m’occuper de mon élevage de Phtirius inguinalis
Monsieur, j’ai bien reçu vos poux. J’étais pratiquement au début de la
troisième étape lorsqu’une évidence m’a explosé la tronche. Petit merdeux, vous
êtes encore pire que les chiens infidèles. Mes victimes, qu’auraient-ils fait
des poux ? Sale race de ta mère, ils les auraient niqués. Exterminés monsieur !!
Vous avez de la chance que je ne supporte pas la mort, sinon je vous aurais
planté.
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