La vie d’une meute de doigts mérite bien quelques
lignes.
Dès le réveil, ils grattent à droite, explorent à
gauche, arrachent un poil indésirable, saluent le corps qui sommeille à côté.
Lorsque les phéromones les incitent, ils explorent le ou la camarade de lit. Un
des doigts se bagarre avec le papier toilette acheté en promo dans un magasin à
bas cout, il savoure ensuite quand son maître est indulgent, un rinçage au
savon. Ils se coincent dans le grille-pain à la recherche d’une tartine
récalcitrante, glissent sur une plaque de beurre, essuient une goutte de café
qui perle de la moustache de la voisine, se peignent l’ongle, attrapent les sécrétions nasales qu’ils malaxent
en de petites boules, se bagarrent avec les adhésifs de la couche du petit,
subissent les assauts des dents du petit qui manifeste sa trop grande affection
par une morsure à sang, se noient dans les selles liquides. Explorent la bouche
du petit qui s’amuse à sucer un capuchon de stylo abandonné par d’autres doigts,
s’immergent dans le liquide vaisselle. Essuient avec un mouchoir quand ils le
trouvent, un filet de morve. Démêlent les cheveux, pointent en accusant le plus
grand de n’avoir pas rangé sa chambre, s’arrachent l’ongle en dénouant un
lacet, s’escriment avec la fermeture éclair, cherchent les clés dans une poche
alors qu’elles sont dans le sac à main, attrapent la petite ficelle du tampon,
saisissent par la queue le rat mort, enserrent les doigts de ses enfants pour
les emmener à l’école, refont un lacet, jouent avec les diverses manettes d’une
voiture, percent des beaux boutons blancs, extraient les points noirs.Touchent
d’autres doigts qui ont eu un vécu matinal plus ou moins semblable au leur,
jouent avec le virus de la gastro, le portent à la bouche du maître qui a un
reste de confiture d’abricot coincé entre le palais et le dentier. Rectifient
un trait de maquillage, tapotent sur les touches du Pc, massent leurs cousins
des pieds, frottent le front soucieux, attrapent un peu de cérumen, secouent la
bistouquette, choppent une cacahuète,
participent aux ombres chinoises. Un solitaire se dresse fièrement suite à une
queue de poisson. Prennent le menton, caressent le bout d’un téton lors d’un
cinq à sept, grattent l’entrejambe, tiennent un stylo, se tordent de
rhumatismes, tapotent la tempe, se noircissent rapidement. Remplacent le verre,
l’assiette, la cuillère, la fourchette, le couteau ébréché. Pincent des cordes,
disparaissent derrière une lame de scie, se coupent l’ongle, donnent du plaisir
à leur maître, grattent la tête, cherchent des poux, appuie sur la détente,
choisissent l’étage où stoppera l’ascenseur, tapotent les quatre numéros de la
carte bleu, donnent leur ongles à ronger, pratiquent un toucher rectale,
enfilent un dé, jaunissent aux contacts des cigarettes. Souffrent le martyre,
lors d’un coup de marteau mal ajusté, lors d’un dérapage de cutter, lorsqu’une
lame de couteau s’enfonce et transperce un légume, lors d’une virée en vélo en
hivers sans gants, lorsqu’une règle s’abat sur leur extrémité, lors d’une
fermeture rapide d’une porte, lors d’un contact fusionnel avec un plat
demeurant dans un four...
Pardon s’il vous plait un rince doigt.
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