une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







mardi 30 avril 2013

Héritage



Le soir avant de me coucher, je sélectionne quelques sujets pour l’article du lendemain. Ils sont déposés à côté du pc, dans une soucoupe. Le matin après le café, je n’ai plus qu’à piocher et le sujet s’affiche sur l’écran. De temps à autre lorsque je l’attrape, il est réticent et se débat.
Mais là, ce matin, je n’en reviens pas ! La soucoupe est vide et n’est pas volante. Les sujets seraient-ils volatiles, comme certaines soucoupes.
Volatiles ??? J’explose, ce mot provoque en moi un émoi et une montée d’adrénaline. J’ai les doigts qui frétillent et les yeux qui s’injectent de sang. Je tremble, l’instinct accumulé depuis des générations éjecte de son trône ma réserve artificielle. Je farfouille dans une malle et en sort un fusil de chasse ainsi qu’un treillis et une cartouchière. La cartouchière est vide. C’est quoi ce bordel ? Je panique, il me faut ma dose. Je soulève et renverse la malle, seul tombe un appelant souchet mâle. La vue du canard décuple la dose de TNT qui est en moi. Je prends une massue, j’apprendrai plus tard que c’était un rouleau à pâtisserie, et commence à massacrer tous les objets à ma portée à la recherche de ces maudites cartouches. Comment vais-je tuer ces volatiles sans  elles ?
Je vacille, je perds l’équilibre.
Je me réveille. Je réalise aussitôt que j’ai eu une crise, et que ma femme réveillée en sursaut, a agi en conséquence. Je le sais, car j’ai une seringue encore fichée dans le ventre. Elle m’a endormi avec un fusil hypodermique qui appartenait à son père. Il endormait les grands animaux d’Afrique afin de les examiner.

Je vais essayer de vous expliquer ma folie meurtrière. Notre famille est implantée en Picardie depuis des siècles. Nous sommes des Picards de père en fils, surtout de père en fille, de mère en fils et de sœur en frère ; ma famille, chasseuses de volatiles et surtout de canards, dans la baie de Somme ne voulait pas que des intrus contaminent notre lignée. Lorsque la consanguinité était trop forte et que les filles ne créaient plus que des idiots, les plus jeunes partaient en séminaire dans les abbayes, afin d’être fécondées par Dieu. Ainsi, de génération en génération, nous avons réussi à garder un sang pur et divin.
Enfant unique, j’ai au grand désespoir de mes parents, interrompus la chaine génétique. J’ai bien effectué un stage chez les curés, mais étant de sexe masculin, je n’ai pu être fécondé. Alors ma mère dépitée me proposa de l’engrosser, afin de garder notre sang pur. J’ai refusé et me suis enfui. Par précaution, je me suis fait stériliser. J’ai des enfants qui sont issus de la banque du sperme. Ainsi une lignée de malades mentaux et de pervers se termine. Malheureusement l’atavisme reste présent et certains mots sont des détonateurs. Maintenant, excepté mes crises, je profite d’un entourage calme et sain.

- Papa ! Papa ! Papa ! Maman est dans la rue avec un fusil et court après un camion en criant : faut l’endormir ! Faut l’endormir ! L’éléphant !

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