une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







mercredi 23 novembre 2011

Nutella vous salue bien fort. D’après une idée originale de Nutella, jument de trait ardennaise.

Salut les jeunes. Je dis salut les jeunes, car là où je suis la vie est éternelle. Ainsi pour moi, vous êtes tous des gamins. Généralement, ce sont les vivants qui saluent une dernière fois les morts. Je m’assois sur ces conventions, avec ma masse corporelle, elles ne feront pas long feu. Je vous tire ma têtière et vous salut bien fort.  Je souhaite à tous mes amis un max de bonheur.
Je ne vous détaillerai pas ma nouvelle existence. Certains n’y comprendraient rien, d’autres seraient capables de se foutre en l’air dans le but de partager mes nouvelles joies. Ceux qui m’aiment, ne vous inquiétez pas, nous nous reverrons.
J’ai passé d’agréables moments avec vous. Du moins à partir de ma quatrième année d’existence. Avant, je n’ai aucun souvenir. Oui à force de vous côtoyer, j’ai attrapé ce que vous appelez l’amnésie infantile.
Mes premiers souvenirs remontent comme vous l’avez deviné à mes quatre ans. Je me souviens bien. Je vivais chez un particulier qui avait autant de psychologie qu’un quatre-quatre (j’adore le quatre quarts). Il me confondait avec une mobylette. Bien éduquée, je ne l’ai pas contrarié. Je lui ai fait, plusieurs fois le coup de la panne sèche, en plein milieu du carrefour de Crillon. Il a modérément apprécié. Me comparer à une mobylette, quelle insulte ! À la rigueur à une Harley, même pas, j’ai trop horreur des engins mécaniques. D’ailleurs, pour information, là où je suis il n’y a pas de voiture.
Mon propriétaire désespéré de ne pas trouver le réservoir de carburant a contacté un club hippique voisin.
Quelques jours plus tard, j’atterris dans un endroit où je connus de sacrés moments de vie, et où je rencontrai un couple d’amis qui m’adopta par la suite. Je ne m’étendrai pas sur le moniteur d’équitation, qui n’était qu’un moniteur.
Les souvenirs de cette époque sont nombreux, et je ne pourrai pas tous les relater. D’ailleurs beaucoup flirtent avec un comportement limite, que l’on pourrait qualifier de déviant.
Je devins rapidement la mascotte du club. Je permis à de nombreux handicapés de connaître les joies de la promenade en charrette. Je promenai aussi le père Noël. A ces occasions, je ramenais mes futurs cavaliers et mon moniteur à leur logis. Et oui, pour se protéger du froid, ils carburaient à la mirabelle, et lorsque les fontes étaient vides, ils se réchauffaient au calva. Entre nous, ils étaient de sacrées ivrognes.
Au hasard, je tire un autre souvenir.
J’ai fermé le bec à une militante de la protection des animaux. Elle reprochait au moniteur d’avoir surchargé la charrette. Je reconnais qu’il y avait un paquet d’handicapés à l’intérieur. Je me souviens, nous étions dans une montée et je trainais le pas, je suis légèrement fainéante. La femme commença à invectiver l’enseignant. Il était sur un attelage qui ouvrait la marche.
- C’est inadmissible ! La pauvre jument n’arrive pas à monter la côte…
J’abrège. Le moniteur haussa les épaules, blasé d’entendre toujours les même sornettes. Vexée, je rongeai mon frein et attendis le moment propice pour prouver que ma masse n’était que du muscle.
« Nous sommes sur un chemin de plaine. Le palefrenier tient les guides, nous longeons un tracteur avec une remorque qui benne. Une bâche la recouvre. Voilà le moment tant attendu, je fais semblant de prendre peur. Je démarre au galop, et trimbale tout mon monde dans les labours. Je dessine un grand cercle afin que la charrette ne se renverse pas. Les roues s’enfoncent dans la terre et je galope allégrement. La tête de la protectrice des animaux vire au blanc violet. Les handicapés se marrent, enfin un peu de vie. Lorsque je la sens convaincue, je rejoins le moniteur qui dit à la femme en se marrant :
- Alors, la pauvre jument est exploitée et maltraitée !
Elle n’a pas répondu. »

Puis, un jour le moniteur nous abandonna pour pouvoir picoler en paix. De mascotte, je suis passé au statut d’indésirable. Heureusement que mes amis ne m’ont pas laissée tomber. Ils m’ont récupérée. J’ai eu droit à une nouvelle charrette à quatre roues. Nous nous sommes ainsi baladés de nombreuses fois tous les trois. Et à chaque fois je les ramenais. Ils se perdaient systématiquement. Ils m’ont aussi chevauché fréquemment et évidemment : j’étais là pour le retour.
Je fus tellement adorable qu’ils m’achetèrent une maison avec un grand pré, plein d’herbes bretonnes au beurre salé. Les derniers six mois, je vécus en Bretagne, j’y découvrais de vertes pâtures, des crêpes, le fameux  kouign-amann. Bref, je m’en mis plein la panse. Peut-être un peu trop. Le beurre à mon âge, ça ne pardonne pas.

Voilà, je remercie Patou et Ghislain de m’avoir offert tout ce qu’ils pouvaient me donner.
Si je suis partie si vite, c’est pour leur garder une place au paradis. De plus ici, il n’y a pas de cholestérol, et l’avoine est remplacée par le houblon.

Je vous lèche.

1 commentaire:

  1. Comme tu dois être belle là haut, tout en blanc, avec tes 2 petites ailes et ton auréole !!!

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