une petite précision s'impose


Ce blog de voyage, conçu pour raconter notre périple en voilier, s’est transformé progressivement en un blog hébergeant des articles hétéroclites. Ils sont les récits d’autres périples, plus cérébraux que physiques.
Ma compagne préfère ce style de voyage. Une préférence extrémiste, je suis enfermé à double tour dans un cabinet noir. Seul un clavier lumineux me permet de communiquer avec le monde extérieur.







jeudi 16 mai 2013

Allaitement



Assis face à l’ordinateur, il tapait son texte quotidien sans se désunir. Il avait essayé dans le passé de pianoter en tournant le dos à l’écran. Après maints essais, il avait cessé ; sa production n’avait été que du charabia. Même son plus jeune fils, pas encore scolarisé, n’arrivait à pas à le déchiffrer.
Ses pages journalières étaient imposées par lui. Il était indissociable de lui. Pourtant plus d’une fois, il avait tenté de divorcer de ce personnage si fusionnel. Il ne supportait pas la solitude et adorait les histoires écrites par lui.
Sa maman pour le consoler de son esclavage lui donnait le sein. Le lait n’était plus de première fraicheur, il se rapprochait plus d’un camembert ayant acquis la marche. Il était suffisant et avait un effet dopant.
Après la tétée, il travaillait à son texte sous l’œil vigilant du père qui n’acceptait pas que son fils de 55 ans tête sa femme, alors que lui n’avait plus que son imagination et ses meilleurs souvenirs.
La femme de l’auteur était à dix lieues de se douter du dur labeur de son homme et du dopage au lait cru. Elle était en analyse depuis plusieurs années chez son psy. Son cas était si extrême, que son psy lui avait ordonné de consulter nuit et jour. Malgré les soins intensifs, elle était toujours fragile. Cependant, ils avaient eu des effets désirables pour elle. De ses consultations étaient nés trois beaux bébés.
L’auteur ignorait la naissance des enfants. Le spécialiste aimablement lui avait demandé d’éviter les visites afin de préserver l’équilibre encore précaire de sa femme. Cela ne le tracassait pas. Il avait les seins de sa mère qui compensait toutes les infortunes de la vie.
Il savait que sa mère bien plus âgée que lui partirait en premier. Malheureux, il avait été consulté l’homme de Dieu. Ce dernier l’avait rassuré :
- Nous avons le même âge, nous sommes tous les deux en bonne santé. Ainsi lorsque votre moral faiblira, vous viendrez à moi, je vous donnerai de quoi vous détendre.

Il était toujours face à l’ordinateur. Il avait terminé sa page d’écriture. Il ne se relisait jamais. Il était amnésique et n’avait aucun souvenir du texte qu’il venait d’écrire. Lui égoïste, ne lui racontait jamais.

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